Livre SF – Pierre Pelot – Canyon Street (1978)

Philippe Pelot est né le 13 novembre 1945. C’est un écrivain français très prolifique plus connu pour ses œuvres de SF. Si les années 1960 sont celles du western et de la série Dylan Stark, lors de la décennie suivante, Pelot commence à écrire des romans de science-fiction et s’impose peu à peu comme un de ses plus talentueux maîtres français. Il est présent dans les collections J’ai lu, Presses-Pocket, Présence du futur mais aussi Ailleurs et Demain et Dimensions S-F. Coup sur coup, il reçoit le Grand prix de la Science-Fiction française pour Delirium circus et le Grand prix du Festival de Metz pour Transit. Les spécialistes du genre saluent son talent, en particulier dans la revue Fiction. Pelot dénonce à travers la science-Fiction, une société policière qui contrôle ses citoyens, en particulier dissidents ou marginaux et tous les exclus du système. Ses ouvrages forts comme La Guerre Olympique, Canyon Street, Les Barreaux de l’Eden ou Les Pieds dans la tête, mettent en évidence les pièges d’une société manipulée et aliénée.

Le livre : 

Canyon Street, c’est le fleuve-monde, le labyrinthe, la pieuvre. La planète quadrillée par un réseau sans commencement ni fin d’artères géantes, rectilignes, bordées par les hautes murailles aveugles des Horizons Fermés. C’est cela, Canyon Street. Procréez! disait la Loi. Soyez fort, méritez votre Manne! Méritez d’être un jour des élus! Et les Cohortes masqués de cuir venaient, en silence, distribuer la Manne et emmener les plus méritants. Et les Pilleurs lançaient les razzias, et les Abbés-Speakers y allaient de leurs sermons télévisés. Et Raznak le Fou racontait que le Paradis ressemblait à l’Enfer… Et Javeline fuyait… Et tout cela s’est arrêté un jour. Un jour, la Manne s’est tarie. Et les Cohortes ahuris erraient sans but, les Abbés prêchaient dans le désert. Seul Raznak le Fou demeurait constant. Et Javeline brûlait d’aimer Jean des Étoiles, le Pilleur. Et une nuit d’horreur, parce qu’elle n’avait pas d’autre issue, elle suivit Raznak le Fou vers les Horizons Fermés.

Voici ce qu’en disent la revue Lire (Février 1979) et Philippe Curval (Novembre 1978) :

“Les amateurs d’inventaires vous diront que Pierre Pelot, 34 ans, a déjà écrit plus de soixante-dix romans – dont quelques chefs-d’œuvre comme Transit (Laffont), Fœtus-Party (Denoël) ou Delirium Circus (J’ai Lu). Les idéologues ajouteront que sa tasse de thé, c’est l’aliénation ; que le héros “pelotien” se libère volontiers dans la déviance et la rupture ; que pour lui “l’utopie n’est pas utopique” ; qu’il est profondément libertiste, etc. Tout cela est sûrement vrai. Ajoutons simplement que Pelot est aussi un merveilleux conteur. Et qu’on le voit bien dans ce récit de la Grande Panne d’un “meilleur des mondes” étrange, poétique – et (comment dites-vous ?) terriblement, fabuleusement aliénateur…”

“L’ultime espoir pour ceux qui veulent savoir pourquoi tout s’est arrêté est de franchir les frontières redoutables de Canyon Street. Ce qui les attend de l’autre côté, c’est le vide. La religion sur laquelle étaient fondés les espoirs de ces parias n’était qu’un leurre, manipulé par des dieux sans pouvoir, des dieux avides seulement de jouir de leurs quelques siècles d’immortalité. Au-delà du décor truqué, ces jouisseurs irresponsables avaient imaginé qu’un autre paradis les attendait, celui qu’ils croyaient entrevoir dans l’insondable mystère de l’espace.”

Livre SF – Kim Stanley Robinson – Mars la rouge (1993)

La trilogie martienne de Kim Stanley Robinson est l’une des séries les plus honorées de la science-fiction, avec Mars la rouge remportant le distingué Nebula Award, ainsi que Mars la verte et Mars la bleue honorées par le Hugo. Devenu un classique du genre, cette saga épique dépeint habilement les histoires humaines derrière le projet le plus ambitieux de la Terre: la terraformation de Mars. Dans cette œuvre, Robinson tisse brillamment un cadre futuriste avec une vision poétique de l’esprit humain engagé dans un drame aussi ancien que l’humanité même.

La trilogie suit la colonisation de Mars et plus tard du système solaire complet, avec l’évolution technologique, morale, sociale et politique qui l’accompagne, couvrant 200 ans d’histoire future. Fabriqué après une longue période de recherche et atteignant 2000 pages, de nombreux romans antérieurs de Robinson, tels que Les Menhirs de glace Icehenge (1984) et Pacific Edge (1992) (jamais traduit, tiré de la série Orange County) sont à bien des égards des précurseurs de la trilogie dans les thèmes ou le cadre.  Notamment lorsque Kim Stanley Robinson spécule sur les effets psychologiques de l’ultra-longévité (les protagonistes vivent plus de 200 ans en moyenne) comme la perte de mémoire, la modification de la personnalité, l’instabilité mentale et l’ennui. Chaque roman tire son nom de la couleur de la planète Mars alors qu’elle évolue grâce au processus de terraformation.

Alors que la planète est en cours de changement pour devenir une nouvelle Terre, nous rencontrons des hommes et des femmes qui sont liés par leurs expériences sur Mars. Parmis les cent premiers colons, il y a Michel Duval, un psychologue français ébloui par la beauté autour de lui ; Maya (Katarine) Toitovona, une femme dont les déboires amoureux conduisent à son premier voyage à Mars ; Roger, un grand guide martien qui n’a pas les compétences sociales mais qui a le courage de survivre sur la surface dangereuse mais étrangement impérieuse de la planète…

A partir des premiers explorateurs, des générations d’amis, d’ennemis et d’amants sont emportés dans ce drame qui est un reflet de l’atavisme humain transposé sur Mars. L’exploration internationale se transforme en bâtiment mondial ; l’édification du monde dégénère en conflit politique, en révolution et en guerre.

A la suite de ces existences et de ces événements, à une époque où la vie humaine a été prolongée grâce à la science, La trilogie martienne devient l’histoire des générations qui vivent au bord de la frontière ultime, dans un paysage de transformation naturelle et humaine constante.

Ce chef-d’oeuvre de Kim Stanley Robinson est une histoire d’espoir et de déception, de luttes physiques et psychologiques féroces. À la fois profondément humain et scientifiquement à la pointe, la trilogie martienne est la chronique épique d’une planète qui représente l’une des plus belles possibilités de l’humanité.

Adaptation TV :

Kim Stanley Robinson aura droit à une série à la hauteur de sa saga littéraire La Trilogie Martienne. Une série qui serait adaptée par Spike TV, selon Variety. Toujours selon Variety, le premier épisode serait disponible en janvier 2017 (aux U.S.A.). La première saison adapterait logiquement le premier livre, Mars la Rouge et elle serait produite par Vince Gerradis également producteur délégué sur Game of Thrones.

Le Livre : 

Au début du XXIe siècle, Mars, symbole universel de la conquête de l’espace à travers les âges, n’est plus un rêve inaccessible et l’homme se lance immédiatement dans sa colonisation. Des voix s’élèvent aussitôt, rappelant le triste passé de la Terre en Afrique ou en Amérique. S’opposant aux ambitions des multinationales, une partie des immigrants, menée par les premiers colons, se révolte contre la “terraformation” puis contre l’exploitation sauvage des ressources. Mais la répression des grands argentiers du monde va être terrible. Et lorsque la pression des populations terriennes, poussées par la misère, la surpopulation et les catastrophes climatiques, enflamme la situation sur Terre, que vont pouvoir faire les quelques poignées de Martiens déjà bien affaiblis face à cette nouvelle crise ? Pour cette immense fresque, que l’on peut rapprocher de Dune de Herbert ou d’Helliconia d’Aldiss, Robinson a reçu lors de la sortie du premier volume le prix Nebula et le prix Hugo lors de la parution du second volet.

Livre SF – Philip José Farmer – Les Dieux du Fleuve (1983)

Ce livre est le cinquième tome de ce qui constitue la saga des Dieux du Fleuve (Riverworld) : Le Fleuve de l’éternité (1971) – Le Monde du fleuve (1971) – Le Noir Dessein (1977) – Le Labyrinthe magique (1980) – Les Dieux du fleuve (1983).  

To Your Scattered Bodies Go (1971) – Hugo Award, Locus Award, 1972 -The Fabulous Riverboat (1971) – The Dark Design (1977) – The Magic Labyrinth (1980) – Gods of Riverworld (1983)

Au début du premier roman, Le fleuve de l’éternité, l’explorateur Richard Burton meurt empalé sur une lance et se réveille sur un autre monde, en compagnie de tous les humains qui ont jamais vécu sur Terre localisés le long d’une rivière apparemment sans fin. La nourriture est fournie et n’importe quel humain qui meurt sur ce monde est immédiatement ressuscité ailleurs le long de la rivière. Burton s’installe sur le fleuve pour chercher des réponses à tous ces mystères. Qui a créé ce monde et ramené tout le monde à la vie? Et pourquoi? Burton a beaucoup d’aventures tout au long de sa route semée de rencontres, entre l’apaisement ou bien la lutte avec d’autres personnages, tels que le nazi Hermann Göring, le Néanderthal Kaz, et une femme nommée Alice, le modèle de la vie réelle de Lewis Carroll protagoniste d’Alice au pays des merveilles.

Oui, dans cette aventure, vous pensez que nous sommes sûrement passés de l’autre côté du miroir, mais en fait nous faisons irruption dans le monde rationnel de Farmer, et cela, même si son scénario peut vous sembler fou. Notre recherche avec Burton est plus qu’une fantastique aventure de science-fiction ou tentative de débusquer un magicien dans les coulisses. Il devient une recherche métaphysique, une recherche de sens dans notre vie (ou nos vies pour ceux qui croient à la réincarnation).

Dans Le Monde du fleuve, le deuxième grand roman de la série des Dieux du fleuve, le focus narratif passe à Samuel Clemens (alias Mark Twain) qui s’associe avec l’infâme roi d’Angleterre John et une race de Vikings, dans une quête similaire au Burton du premier roman. Dans une intrigue de style yankee du Connecticut, Clemens utilise la technologie du XIXe siècle pour construire un bateau équipé d’armes afin de se frayer un chemin le long de la rivière. D’autres mystères du monde du fleuve sont découverts, préparant le terrain pour la réponse aux questions qu’ils se posent.

Cependant, il est apparu à Farmer qu’il ne pouvait pas tout englober dans le troisième volet de la trilogie prévue. Ainsi, Le Noir Dessein a réuni les personnages des deux premiers livres en diverses combinaisons, ainsi que de nouvelles personnalités – comme l’auteur-aventurier Jack London, l’acteur cow-boy Tom Mix, le virtuose du verbe Cyrano de Bergerac et d’autres personnages moins connus de l’histoire. L’assaut final sur la tour du bout de la rivière vient dans un quatrième livre, Le labyrinthe magique.

Ici, vous pouvez être déçu. Peut-être vos attentes s’étaient élevées trop haut à ce point du cycle écrit par Farmer, mais la réponse au mystère n’est pas des plus limpide, peut-être un peu trop abstraite, mystique même. Le labyrinthe magique est certes une très bonne lecture, mais peut-être, comme le dit le proverbe, le voyage est plus important, plus excitant, plus mystérieux que la destination. Quant au cinquième tome, même s’il n’est pas indispensable à la quadrilogie, c’est un bonus appréciable et très agréable à lire. Aussi, on ne boudera pas notre plaisir en le lisant pour clôturer cette saga en beauté .

Tome 5 – Les Dieux du fleuve : Mark Twain, Hermann Goering et Cyrano de Bergerac, qui se sont retrouvés ressuscités sur les rives du Fleuve en compagnie de trente-cinq milliards d’êtres humains, ont enfin atteint la Tour au bout de la Vallée de seize millions de kilomètres. Ils ont percé les secrets de ses constructeurs et savent pourquoi et comment ceux-ci ont réveillé l’humanité entière afin de lui donner une autre chance d’atteindre à la perfection éthique. Ils sont désormais les maîtres du Grand Ordinateur dans la Tour, qui gère le processus de résurrection et qui régit tout le monde du Fleuve. Immortels eux-mêmes, ils sont devenus comme des dieux. Mais les dieux ont généralement éprouvé quelques difficultés à contrôler leurs pouvoirs. Et nos héros ne font pas exception.

Une nouvelle complète ce cinquième roman de la série du Fleuve : elle met en scène deux étranges ressuscités, Jésus le Messie et Tom Mix le cow-boy, qui durant leur première vie avaient des raisons très différents de défier la mort.

Mais le cycle ne s’arrête pas là. Comme le «Seigneur des Anneaux» de Tolkien ou la trilogie Fondation d’Asimov, la série Les Dieux du Fleuve a attiré des légions de fans qui continuent à demander des rebondissements aux aventures de ses héros imaginaires. Riverworld et autres nouvelles (1979) recueille des histoires qui se déroulent sur la planète du fleuve, mais sans affecter directement le récit des romans. La rivière de l’éternité (1983) est la reformulation d’une ancienne nouvelle de Farmer écrite dans les années 50, “I Owe for the Flesh”, de laquelle les romans étaient inspirés.

L’auteur : Philip José Farmer (1918-2009) est un écrivain américain, connu pour ses romans et nouvelles de science-fiction. C’est l’un des grands écrivains américains de l’Âge d’Or de la S.F. Avec trois prix Hugo (Les Amants Étrangers en 1953, Les Cavaliers du Fiel ou le Grand Gavage en 1968, Le Fleuve de l’Éternité en 1972), il est reconnu pour son audace, son imagination débordante et son absence de tabous littéraires. Il est, en effet, le premier écrivain à avoir introduit l’érotisme dans la science-fiction, jusque-là très pudibonde, dès son premier roman, Les Amants Étrangers. Une grosse partie de son œuvre s’intéresse à la réinterprétation de personnages historiques ou romanesques. The Other Log of Phileas Fogg remplit les trous du calendrier dans Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne. Sa série de romans Le Fleuve de l’éternité (Riverworld) suit les aventures de Richard Francis Burton, Cyrano de Bergerac, Jean sans Terre, Hermann Goering et Samuel Clemens, le long d’un fleuve infini, où l’on a mystérieusement ressuscité toute l’humanité ayant vécu.

Adaptation en Téléfilm : Riverworld, le monde de l’éternité (Riverworld) est un téléfilm australo-canado-anglo-américain réalisé par Kari Skogland en 2003. Cette adaptation à la télévision a été tentée en 2003 et fut diffusée à la télévision française à fin 2004. Il s’agissait d’un épisode pilote, tourné en Nouvelle-Zélande, qui est resté sans suite. Certains personnages du livre sont repris, d’autres pas (par exemple l’explorateur Richard Francis Burton qui est pourtant l’un des deux personnages principaux de la saga romanesque).

Nouvelle adaptation réalisée en 2010 : Riverworld : le monde de l’éternité fut à nouveau produit en 2010 sous la forme d’un téléfilm en deux épisodes de 90 minutes. Cette adaptation reprend le monde du livre de Philip José Farmer, en remaniant librement le scénario. Les deux personnages restant du livre original sont Samuel Clemens et Richard Burton, auquel échoit le rôle du méchant. Le reste des personnages sont inventés, le personnage principal étant Matt Elmann, un journaliste américain tué avec sa petite amie dans un attentat et projeté dans le monde du fleuve où il tentera d’élucider son mystère et de combattre Burton.

Livre & Film – La soupe aux choux (1981)

Le livre : 

René Fallet est un écrivain parfois très “rabelaisien” qui, en son temps (1927-83), irritait les petites habitudes bourgeoises en brossant de sa plume le portrait de personnages hauts en couleurs. Mais les anti-héros citadins ou campagnards qu’il décrivait, notamment dans La Soupe aux choux, étaient beaucoup plus profonds qu’en apparence. Fallet dans sa vie privée fréquentait Brassens, Jacques Brel et Léo Ferré, chanteurs et humanistes bons vivants. La soupe aux choux est une satire sociale, où l’auteur soulève les problématiques de son époque (qui sont toujours valables aujourd’hui), notamment la disparition des petites professions humbles pour faire la place à une société de consommation déshumanisée allant de pair avec l’émergence de centres commerciaux zombifiés et de parcs d’attractions de plus en plus débiles. Le Glaude et le Cicisse n’acceptent pas de s’adapter au monde moderne de “l’expansion économique” et de l’hygiénisme (autant sanitaire qu’alimentaire) et de ce fait, deviennent d’authentiques résistants. L’extra-terrestre dans cette histoire, est au départ à l’opposé de ce sympathique duo d’originaux éthylisés et flatulents mais il finira par les embarquer avec eux, pour prêcher la bonne parole de la soupe aux choux, du “ch’ti canon” et de l’amitié à sa civilisation, qu’il sauvera ainsi de la déprime.

La soupe aux choux – René Fallet (1980)

L’histoire : 

Deux vieux paysans, deux amis, le Cicisse Chérasse et le Glaude Ratinier, achèvent modestement leur existence aux confins d’un village bourbonnais en voie de disparition. Une nuit, une soucoupe volante se pose dans le champ de Glaude. Un extra-terrestre en sort, que le Glaude appellera “la Denrée”. La Denrée vit dans un austère astéroïde où les notions de superflu sont inconnues. L’absorption d’une assiettée de soupe aux choux va plonger le voyageur interstellaire dans un tout autre monde, celui du plaisir de vivre, celui aussi de l’amitié. Et ce sera la révolution sur sa planète. Quant au Cicisse et au Glaude, ils éviterons l’hospice grâce à leur copain la Denrée!

Extraits du livre de René Fallet : 

“La soupe aux choux mon Blaise, ça parfume jusqu’au trognon, ça fait du bien partout où qu’elle passe dans les boyaux. Ça tient au corps, ça vous fait même des gentillesses dans la tête. Tu veux qu’t’y dise : ça rend meilleur.” 

“Malgré ou grâce à leur régime de bec salé, les deux voisins se portaient comme les veaux dans les prés et ne connaissaient que de vue le docteur de Jaligny, pour l’avoir rencontré au marché de cet aimable chef-lieu de canton. S’ils ressentaient parfois une aigreur d’estomac, ils s’accordaient pour en accuser la qualité du pain, qui n’était plus celle qu’ils avaient connue. Ils s’étaient de même entendus pour serrer dans leur cave voûtée un tonneau de vin différent, ce qui variait leur menu et leur permettait de froncer malignement un sourcil pour qu’en tiquât des deux le propriétaire du nanan. Le Glaude se fournissait auprès du marchand de vins de Vaumas, le Bombé honorait de sa pratique celui de Sorbier.”

“Ils fumaient, sans soupçonner que des crabes cancérigènes étaient tapis au fond de leur paquet de gris. Ils roulaient leurs cigarettes, les allumaient avec des briquets qu’ils emplissaient de mélange pour vélomoteur.”

“Malgré leurs apparences bourrues, ils se souciaient fort de leurs santés respectives. La mort de l’un aurait signé celle de l’autre, le survivant étant assuré de périr de mélancolie dans les mois qui suivraient. On ne trinque pas tout seul. On boit sans amitié, sans rien, comme une vache, et ça, ça oui, c’est mauvais, si mauvais qu’il n’y a même pas plus mauvais au corps. Si le Bombé toussait, le Glaude s’alarmait.”

“Ma pauvre défunte, expliquait Le Glaude, elle buvait point, elle fumait point, n’empêche qu’elle est en terre bien enfoncée. C’est toutes les pastilles, les sirops, les drogues du pharmacien qui me l’ont ratiboisée. Elle s’en est fourré des kilos dans le coco, de leurs denrées. Des pleines lessiveuses. Résultat: le pré carré !”

Le film : 

Même si le Film, sorti en 1981 et réalisé par Jean Girault, reprend de nombreux dialogues du livre de Fallet, il est franchement plus burlesque et délirant, l’ouvrage étant plutôt plutôt une ode poignante à la France rurale en voie de disparition d’après la Seconde guerre mondiale. Les acteurs principaux sont Louis de Funès (Le Glaude), Jean Carmet (Le Bombé ou Cicisse) et Jacques Villeret (La Denrée). C’est l’avant dernier film de Louis de Funès qui décèdera un an plus tard à l’âge de 68 ans.

Voir sur YouTube :  “La Soupe aux choux (1981) – Bande-annonce” par CineComedies Bandes-annonces

Livre SF – Isaac Asimov – Les Dieux eux-mêmes (1972)

Le livre est divisé en trois sections, basées sur une citation du dramaturge Schiller: “Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes, luttent en vain”. Pourtant, malgré leur interrelation dans l’intrigue, les trois sections ne s’intègrent pas confortablement pour former un tout unifié. (Même dans la publication des magazines, elles ont été séparées, la première et dernière partie sont parues dans Galaxy en mars et mai 1972, celle du milieu dans If en avril 1972). Asimov décrit un physicien mécontent et désabusé (Lamont) qui tente de discréditer son ennemi (Hallam), l’auto-proclamé inventeur de la pompe à électrons. Cette pompe fournit l’énergie à partir de la désintégration radioactive d’une substance d’un autre univers. C’est une énergie d’autant plus séduisante à utiliser qu’elle est gratuite.

Ce livre a obtenu trois récompenses : Le prix Nebula du meilleur roman en 1972. Le prix Hugo du meilleur roman et le Locus du meilleur roman en 1973.

“Cela a commencé quand Robert Silverberg a suggéré à Asimov qu’il écrive une histoire sur un isotope impossible ; Asimov a répondu avec ce livre, initialement intitulé “Plutonium 186”. Les pompes à électrons, qui ont fourni une énergie libre et propre à la Terre par un échange d’électrons avec un univers parallèle, menacent un tel déséquilibre de charge électrique dans notre propre univers que son annihilation totale est imminente. Les trois histoires (situées respectivement sur Terre, dans un para-univers et sur la Lune) décrivent les efforts des individus qui ont deviné la menace pour éviter la catastrophe. Ces efforts sont bloqués par les intérêts personnels qui sont, plus que la stupidité, le danger réel dans ce roman.

The Gods Themselves – Part 1

Dans le première partie, le problème de la pompe à électrons, comme Lamont le découvre, est qu’il fait pénétrer les lois du para-univers dans le nôtre, renforçant l’interaction nucléaire forte ici bas et affaiblissant la leur. Cela fera exploser le soleil en quelques années ou quelques décennies. Personne ne le prend au sérieux, car il n’est pas en faveur de Hallam qui lui est adulé par le monde entier avec son énergie gratuite. Son collègue, cependant, un linguiste travaillant sur la para-langue, parvient à communiquer avec ceux de l’autre côté. Ils reçoivent un message disant que la pompe est dangereuse, indiquant qu’au moins quelqu’un de l’autre côté réalise ce qui va se passer. Mais les tentatives de Lamont pour faire cesser le pompage ne fonctionnent pas. Les deux hommes finissent par abandonner, convaincus de leur impuissance et le linguiste suggère que les para-êtres peuvent avoir le même problème qu’eux.

The Gods Themselves – Part 2

Dans la section du milieu, les aliens sont très, très Aliens, et le secret qui termine cette section est assez étonnant ; on est frappé par l’étrangeté des Fluides Dua, Odeen et Tritt. Un Rationnel extrêmement doué, une Émotionnelle plutôt irrationnelle, et un Parental téméraire forment une triade peu commune. C’est plutôt incroyable. Dans ce monde parallèle, les Solides font l’éducation des Fluides (seulement des Rationnels) tandis que de chaque triade naissent trois enfants avant qu’ils ne meurent. Les fluides sont faits de substance informe et sont dotés de tentacules, tandis que les Solides semblent plus anthropomorphes. Ils se nourrissent de la lumière de leur Soleil, qui décline peu à peu, mais les Solides, par le biais de la Pompe, sont en passe de canaliser de l’énergie gratuite, aux dépens d’un autre univers dont ils se moquent.

Les esprits que nous visitons sont utilisés presque exclusivement pour nous montrer cette culture étrangère. Nous apprenons à travers leurs expériences et leurs pensées – ce qui semble très naturel – et non par l’analyse objective directe rationnelle et scientifique. C’est de cette façon que chaque culture devrait être présentée!

La conclusion à la section centrale est très étonnante. Dua en apprend de plus en plus sur la nouvelle source d’énergie, et est déterminé à saboter la pompe à électron, car elle risque de faire sauter notre étoile. Un Rationnel lui explique que les Fluides sont la forme jeune des Solides, dont ils n’ont jamais vu la forme juvénile. La fusion (équivalent d’un acte sexuel, mais qui dure plusieurs jours) les transforme en Solides. En l’occurrence, ils se transformeront en Estwald, nouveau chef du projet de la Pompe.

Cette section contient aussi ce que Asimov décrit comme sa seule scène sexuelle explicite. L’histoire raconte que quelqu’un s’est demandé pourquoi il n’avait jamais couché sur le papier de véritables scènes de sexe dans ses livres, alors il s’est mis au défi d’être aussi explicite que possible dans ce roman. Cependant, à moins que vous connaissiez la sexualité de ces aliens, vous ne pourrez pas envisager ses scènes libidineuses comme telles! Elles sont très descriptives, probablement pornographique de leur point de vue (Odeen serait embarrassé!), mais tout cela nous est si étranger que les lecteurs les plus prudes ne seront pas choqués! Il a aussi une scène où Dua se fond avec les roches, qui est essentiellement une scène de masturbation. Plutôt coquin ces extra-terrestres, lorsqu’on y pense!

The Gods Themselves – Part 3

Et nous arrivons à la troisième section, où nous pensons que tout le monde est en train de «lutter en vain». Un autre des exclus du cercle de Hallam, le Dr Denison (qui l’a malgré lui aidé à mettre au point la pompe à électron), va sur la Lune colonisée depuis un demi-siècle, pour reprendre sa carrière. Là, il se retrouve confronté à un responsable terrien prêt à l’aider pour diffuser ses idées en échange d’informations sur le comportement des Lunarites, qu’il soupçonne de mettre en place un plan foireux pour assurer leur indépendance vis à vis de la Terre. Il travaille donc aussi avec un séparatiste lunarite, partenaire sexuel de Séléné, (différentes coutumes existent sur la Lune, pour le plus grand dégoût des visiteurs terrestres), qui lui assure qu’il aura un accès au matériel d’expérimentation, en retour d’informations sur les Terriens.

L’histoire se concentre sur l’amitié de Denison avec Séléné, une intuitionniste, alors qu’un dialogue vraiment agréable les rapproche amicalement (voire plus car affinité). Elle l’emmène en balade pour faire des acrobaties en basse gravité ou des sports de glisse en combinaison spatiale (Asimov a dû puiser dans la banque de donnée des missions Apollo pour être si réaliste). Le sexe est également présent dans cette section mais sûrement plus en raison du fait que les Lunarites sont amateurs de nudisme, ce qui n’est pas sans exciter le “textile” Denison.

La conclusion du livre est très anti-écologique ou plutôt ultra-climato-sceptique. Denison ouvre la porte d’un autre univers – un autre para-univers, et tire de l’énergie de là, permettant un équilibre des lois changeantes de la physique, puisque ce nouvel univers a des lois opposées à celle du para-univers. Ce qui est brillant à ce sujet c’est que finalement ils vont sûrement créer un Big Bang ailleurs! (Peut-être est-ce l’origine du notre?) Mais apparemment les humains ne risquent plus rien, alors tout va bien… Denison découvre l’intrigue des Lunarites qui veulent que la Lune quitte l’orbite Terrestre ou même le système solaire. Ce faisant, il la rend publique et devient un héros.

Ce livre est parfaitement mené par Asimov, qui évoque pour une fois autre chose que des robots. Il m’a troublé lorsque je l’ai lu (il y a quelques années…) et m’a amené à me poser par la suite quelques questions. Et si Asimov avait raison? Je parle ici de la fameuse énergie gratuite dont on évoque tant les avantages un peu partout sur le web. “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout s’échange!” Dans cette phrase, l’important est le “rien ne se crée”. Je crois que c’est Lavoisier qui a dit ça, mais c’est Kant qui a formulé rigoureusement le principe de la permanence de la substance : “La substance persiste dans tout le changement des phénomènes et sa quantité n’augmente ni ne diminue dans la nature”. Alors, une idée m’est venue à l’esprit : l’énergie gratuite ne l’est peut-être qu’en apparence, et, si elle existe, (ce que semble valider la mise au point récente du générateur E-Cat de Rossi) ne la puiserons-nous pas aux dépend d’un autre univers et de la stabilité structurelle du notre?

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