Le livre est divisé en trois sections, basées sur une citation du dramaturge Schiller: “Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes, luttent en vain”. Pourtant, malgré leur interrelation dans l’intrigue, les trois sections ne s’intègrent pas confortablement pour former un tout unifié. (Même dans la publication des magazines, elles ont été séparées, la première et dernière partie sont parues dans Galaxy en mars et mai 1972, celle du milieu dans If en avril 1972). Asimov décrit un physicien mécontent et désabusé (Lamont) qui tente de discréditer son ennemi (Hallam), l’auto-proclamé inventeur de la pompe à électrons. Cette pompe fournit l’énergie à partir de la désintégration radioactive d’une substance d’un autre univers. C’est une énergie d’autant plus séduisante à utiliser qu’elle est gratuite.
Ce livre a obtenu trois récompenses : Le prix Nebula du meilleur roman en 1972. Le prix Hugo du meilleur roman et le Locus du meilleur roman en 1973.
“Cela a commencé quand Robert Silverberg a suggéré à Asimov qu’il écrive une histoire sur un isotope impossible ; Asimov a répondu avec ce livre, initialement intitulé “Plutonium 186”. Les pompes à électrons, qui ont fourni une énergie libre et propre à la Terre par un échange d’électrons avec un univers parallèle, menacent un tel déséquilibre de charge électrique dans notre propre univers que son annihilation totale est imminente. Les trois histoires (situées respectivement sur Terre, dans un para-univers et sur la Lune) décrivent les efforts des individus qui ont deviné la menace pour éviter la catastrophe. Ces efforts sont bloqués par les intérêts personnels qui sont, plus que la stupidité, le danger réel dans ce roman.
Dans le première partie, le problème de la pompe à électrons, comme Lamont le découvre, est qu’il fait pénétrer les lois du para-univers dans le nôtre, renforçant l’interaction nucléaire forte ici bas et affaiblissant la leur. Cela fera exploser le soleil en quelques années ou quelques décennies. Personne ne le prend au sérieux, car il n’est pas en faveur de Hallam qui lui est adulé par le monde entier avec son énergie gratuite. Son collègue, cependant, un linguiste travaillant sur la para-langue, parvient à communiquer avec ceux de l’autre côté. Ils reçoivent un message disant que la pompe est dangereuse, indiquant qu’au moins quelqu’un de l’autre côté réalise ce qui va se passer. Mais les tentatives de Lamont pour faire cesser le pompage ne fonctionnent pas. Les deux hommes finissent par abandonner, convaincus de leur impuissance et le linguiste suggère que les para-êtres peuvent avoir le même problème qu’eux.
Dans la section du milieu, les aliens sont très, très Aliens, et le secret qui termine cette section est assez étonnant ; on est frappé par l’étrangeté des Fluides Dua, Odeen et Tritt. Un Rationnel extrêmement doué, une Émotionnelle plutôt irrationnelle, et un Parental téméraire forment une triade peu commune. C’est plutôt incroyable. Dans ce monde parallèle, les Solides font l’éducation des Fluides (seulement des Rationnels) tandis que de chaque triade naissent trois enfants avant qu’ils ne meurent. Les fluides sont faits de substance informe et sont dotés de tentacules, tandis que les Solides semblent plus anthropomorphes. Ils se nourrissent de la lumière de leur Soleil, qui décline peu à peu, mais les Solides, par le biais de la Pompe, sont en passe de canaliser de l’énergie gratuite, aux dépens d’un autre univers dont ils se moquent.
Les esprits que nous visitons sont utilisés presque exclusivement pour nous montrer cette culture étrangère. Nous apprenons à travers leurs expériences et leurs pensées – ce qui semble très naturel – et non par l’analyse objective directe rationnelle et scientifique. C’est de cette façon que chaque culture devrait être présentée!
La conclusion à la section centrale est très étonnante. Dua en apprend de plus en plus sur la nouvelle source d’énergie, et est déterminé à saboter la pompe à électron, car elle risque de faire sauter notre étoile. Un Rationnel lui explique que les Fluides sont la forme jeune des Solides, dont ils n’ont jamais vu la forme juvénile. La fusion (équivalent d’un acte sexuel, mais qui dure plusieurs jours) les transforme en Solides. En l’occurrence, ils se transformeront en Estwald, nouveau chef du projet de la Pompe.
Cette section contient aussi ce que Asimov décrit comme sa seule scène sexuelle explicite. L’histoire raconte que quelqu’un s’est demandé pourquoi il n’avait jamais couché sur le papier de véritables scènes de sexe dans ses livres, alors il s’est mis au défi d’être aussi explicite que possible dans ce roman. Cependant, à moins que vous connaissiez la sexualité de ces aliens, vous ne pourrez pas envisager ses scènes libidineuses comme telles! Elles sont très descriptives, probablement pornographique de leur point de vue (Odeen serait embarrassé!), mais tout cela nous est si étranger que les lecteurs les plus prudes ne seront pas choqués! Il a aussi une scène où Dua se fond avec les roches, qui est essentiellement une scène de masturbation. Plutôt coquin ces extra-terrestres, lorsqu’on y pense!
Et nous arrivons à la troisième section, où nous pensons que tout le monde est en train de «lutter en vain». Un autre des exclus du cercle de Hallam, le Dr Denison (qui l’a malgré lui aidé à mettre au point la pompe à électron), va sur la Lune colonisée depuis un demi-siècle, pour reprendre sa carrière. Là, il se retrouve confronté à un responsable terrien prêt à l’aider pour diffuser ses idées en échange d’informations sur le comportement des Lunarites, qu’il soupçonne de mettre en place un plan foireux pour assurer leur indépendance vis à vis de la Terre. Il travaille donc aussi avec un séparatiste lunarite, partenaire sexuel de Séléné, (différentes coutumes existent sur la Lune, pour le plus grand dégoût des visiteurs terrestres), qui lui assure qu’il aura un accès au matériel d’expérimentation, en retour d’informations sur les Terriens.
L’histoire se concentre sur l’amitié de Denison avec Séléné, une intuitionniste, alors qu’un dialogue vraiment agréable les rapproche amicalement (voire plus car affinité). Elle l’emmène en balade pour faire des acrobaties en basse gravité ou des sports de glisse en combinaison spatiale (Asimov a dû puiser dans la banque de donnée des missions Apollo pour être si réaliste). Le sexe est également présent dans cette section mais sûrement plus en raison du fait que les Lunarites sont amateurs de nudisme, ce qui n’est pas sans exciter le “textile” Denison.
La conclusion du livre est très anti-écologique ou plutôt ultra-climato-sceptique. Denison ouvre la porte d’un autre univers – un autre para-univers, et tire de l’énergie de là, permettant un équilibre des lois changeantes de la physique, puisque ce nouvel univers a des lois opposées à celle du para-univers. Ce qui est brillant à ce sujet c’est que finalement ils vont sûrement créer un Big Bang ailleurs! (Peut-être est-ce l’origine du notre?) Mais apparemment les humains ne risquent plus rien, alors tout va bien… Denison découvre l’intrigue des Lunarites qui veulent que la Lune quitte l’orbite Terrestre ou même le système solaire. Ce faisant, il la rend publique et devient un héros.
Ce livre est parfaitement mené par Asimov, qui évoque pour une fois autre chose que des robots. Il m’a troublé lorsque je l’ai lu (il y a quelques années…) et m’a amené à me poser par la suite quelques questions. Et si Asimov avait raison? Je parle ici de la fameuse énergie gratuite dont on évoque tant les avantages un peu partout sur le web. “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout s’échange!” Dans cette phrase, l’important est le “rien ne se crée”. Je crois que c’est Lavoisier qui a dit ça, mais c’est Kant qui a formulé rigoureusement le principe de la permanence de la substance : “La substance persiste dans tout le changement des phénomènes et sa quantité n’augmente ni ne diminue dans la nature”. Alors, une idée m’est venue à l’esprit : l’énergie gratuite ne l’est peut-être qu’en apparence, et, si elle existe, (ce que semble valider la mise au point récente du générateur E-Cat de Rossi) ne la puiserons-nous pas aux dépend d’un autre univers et de la stabilité structurelle du notre?