Le Premier One fut le premier d’une longue lignée d’amplificateurs de puissance à porter le badge Conrad-Johnson Premier. D’une puissance inhabituelle pour un amplificateur à tube avec 200 watts par canal, le Premier One fut dès sa sortie identifié par quelques publications audiophiles comme le meilleur amplificateur de puissance jamais fabriqué à cette époque.
Une énorme alimentation avec des condensateurs électrolytiques de qualité informatique totalisant 4000 micro-farads à plus de 500 volts offraient une réserve de puissance exceptionnelle et une réponse des basses profondes et contrôlées surprenantes, atteinte jusqu’alors par aucun autre ampli de puissance à tubes. Le fonctionnement ultralinéaire de l’étage de sortie 6550 offrait une excellente combinaison de puissance élevée et de faible distorsion. Les charges complexes difficiles à gérer tels les haut-parleurs électrostatiques ne présentaient aucun problème au Premier One. La bête était très lourde (plus de 60kg), la moitié du poids étant imputable au transformateur d’alimentation et aux deux transformateurs de sortie tous trois blindés ; détail amusant, seul le dégagement thermique démentiel des 18 tubes à vide et leur lueur rougeoyante filtrant à travers les grilles d’aération indiquaient qu’il était entré en fonction après l’activation du seul mini interrupteur présent sur la façade. Prière de ne pas poser la main sous peine de brûlures…
Un peu de technique : Selon Conrad-Johnson, les conceptions simples avec peu d’étapes intermédiaires lors de leur exécution rendent l’appareil à la fois plus musical et plus fiable que des alternatives trop compliquées. En conséquence, le circuit audio du Premier One est remarquablement simple. Une paire de triodes cascodes (1) est utilisée à l’entrée comme amplificateur de tension. Cet arrangement offre un gain élevé pour un seul étage et une excellente linéarité des phases. Cet étage est directement couplé à un inverseur de phase différentielle composée de sections parallèles de triodes à courant élevé couplées par la cathode pour fournir un équilibre et engendrer une basse impédance de l’étage de sortie push-pull. L’étage de sortie utilise des 6550 (2) en parallèle – un total de six par canal. Cette étape présente un fonctionnement ultralinéaire ce qui permet des niveaux de puissance élevés tout en réduisant considérablement l’impédance de la source. En conséquence, l’amplificateur est capable de répondre aux demandes de courant importantes lors des transitoires musicales de haute amplitude entraînés par la charges réactive des haut-parleurs. Une alimentation électrique de près de 4000 microfarads à plus de 550 volts permet au Premier de répondre facilement aux sollicitations de dynamique les plus extraordinaires. Les deux canaux sont séparés après le condensateur d’entrée pour réduire le couplage croisé de la stéréo et diminuer l’intermodulation entre canaux à des niveaux négligeables. Des régulateurs de tension séparés pour les amplificateurs de tension et les inverseurs de phase assurent une isolation presque absolue de ces étages sensibles de l’étage de sortie.
(1) Un amplificateur à cascode à tubes utilise une double triode dont la première est attaquée normalement par la grille, tandis que la plaque est reliée à la cathode de la deuxième section, dont la grille est à la masse. On obtient un grand gain et un faible bruit.
(2) on notera que les tétrodes 6550 ont à peu de chose près les mêmes caractéristiques que les illustres KT88. Les 6550 sont un peu moins puissante mais ont une meilleure tenue dans le grave, alors que les KT88 sont plus typés tubes au niveau des médiums. Si un retubage s’impose, à 50 € la lampe, cela fera une somme rondelette, mais quand on aime, on ne compte pas…
Les tubes : Le Premier One utilise dix-huit tubes à vide de trois types différents : deux doubles triodes 5751, quatre doubles triodes 6FQ7 et douze tubes tétrodes 6550. Chaque type de tube a été soigneusement choisi pour son application dans son circuit spécifique. Les tubes de cet amplificateur ont été trempés par une procédure de brûlage contrôlé qui leur permet de fonctionner pendant une période considérablement prolongée sans dégradation sonore. Un à deux ans de fonctionnement peuvent être prévus sans dégradation en utilisation normale. Le Premier One a été conçu pour rendre le remplacement des tubes aussi simple que possible. Étant donné que les tubes de sortie sont polarisés individuellement, il n’est pas nécessaire de les remplacer par des tubes appariés. La douzaine de 6550 émet au total un rayonnement thermique d’environ 500 W. Un véritable petit chauffage d’appoint bien pratique l’hiver.
Le Réglage du bias : Ce réglage de la polarisation des tubes de puissance est une procédure simple qui peut facilement être effectuée par le propriétaire lui-même. Seul un tournevis est nécessaire. Après avoir remplacé les tubes, l’amplificateur doit être connecté à une charge (les enceintes acoustiques) sans envoyer aucun signal BF. Il faut allumer l’amplificateur. Après environ quelques minutes de chauffe, tournez chacune des douze résistances réglables avec un petit tournevis dans le sens inverse des aiguilles d’une montre jusqu’à ce que le voyant LED associé s’éteigne. Il peut être nécessaire d’allumer d’abord la LED, dans ce cas on doit cesser de tourner la vis de réglage dans le sens des aiguilles d’une montre dès que la LED est allumée. Après que l’amplificateur ait préchauffé pendant trente minutes, la procédure qui vient d’être décrite doit être répété. Cette procédure de polarisation doit être effectuée chaque fois que les tubes de sortie de l’amplificateur sont remplacés et également tous les six mois d’utilisation en moyenne (à noter que ces mêmes LED peuvent clignoter pendant l’écoute de l’ampli, cela est tout à fait normal).
Malgré sa puissance considérable, le Premier One restait très pointu et intelligible aux fréquences les plus élevées, produisant une réponse étendue dans les hautes fréquences, rare dans les conceptions à tubes et avec une scène sonore remarquablement tridimensionnelle. Au milieu des années 80, J’ai pu apprécier le son unique de cet appareil dans un auditorium toulousain, ce jour là branché sur des panneaux électrostatiques Quad. Malgré leur faible rendement, j’en avais eu la chair de poule. Le Premier One est encore aujourd’hui recherché et très prisé par les collectionneurs et les audiophiles. On le trouve à un prix variant entre 4000 et 8000$. Il se vendait neuf environ 10.000$ en 1984. Bien vérifier qu’il fonctionne en 220V.
Caractéristiques Techniques : Puissance : 200 watts par canal en 4, 8, or 16 ohms avec plus ou moins 1% distorsion THD et IM sur les deux canaux de 30 Hz à 15 kHz.
Réponse en fréquence : 20Hz à 20kHz, +0, -0.5dB
Sensibilité d’entrée : 1 V pour la puissance maximum
Rapport signal/bruit : 100dB
Sensibilité d’entrée : 100K ohms
Dimensions : Largeur : 48,2 cm | Hauteur : 25,4 cm | Profondeur : 55,8 cm
Poids : 61,2 Kg.