Voici donc la deuxième partie de l’article consacré aux amplificateurs de puissance haut de gamme des années 80. Ici, je vais évoquer quatre belles électroniques que l’on pouvait écouter il y a presque quarante ans dans les auditoriums des enseignes spécialisées les plus prestigieuses de la capitale ou des principales villes de province (en l’occurrence Toulouse). Il s’agit des Marantz SM1000 (1982), Onkyo M-5090 (1983), Sansui B-2101 (1986) et Yamaha M-80 (1984).
Marantz SM 1000 & Préampli SC 1000 (1982) :
Tout d’abord, contextualisons la marque Marantz en ce début des années 80 : un authentique pionnier américain de l’audio (perdu au milieu de toutes ces productions audio nippones) en train de cesser ses activités au USA. Avec le SM1000, nous avons la toute dernière unité entièrement conçue par Michael Custer (responsable de la division ingénierie de Marantz-Superscope et promoteur des célèbres séries Esotec à partir de la fin des années 70 jusqu’au début des années 80) aux États-Unis. Le SM 1000 a cependant été construit au Japon alors que Philips était sur le point d’acheter presque la moitié des parts de Marantz à Superscope. Le SM 1000 représente donc la fin de l’excellente section USA du Marantz originel qui nous fit tant rêver dans les années 70…
À l’extérieur de ce monstre de 43 kg au châssis bâti comme un tank (mais raffiné grâce à la célèbre dorure “champagne” propre au manufacturier) on trouve sur sa face avant de magnifiques vumètres logarithmiques bleus surdimensionnés et à sa base, une petite trappe occupant toute la largeur du rack permettant de masquer les commutateurs de sortie ce qui préserve l’aspect massif et minimaliste de la bête. Sur la face arrière, des entrées préampli symétriques (selon un brochage propre à Marantz) et asymétriques ainsi que 12 borniers acceptant des câbles de sortie de forte section pour les enceintes acoustiques.
À l’intérieur, deux transformateurs “cut-core” de 800 VA, quatre condensateurs de 20.500 µF/125 V ainsi qu’un dissipateur de chaleur tunnel équipé de son ventilateur à faible bruit “inspiré” de la technique NASA. Les premier et deuxième étages du SM 1000 sont des amplis différentiels push-pull à double transistors ; les deux étages sont couplés à un amplificateur tampon émetteur-suiveur. L’étage final produit 2x 400W sous 8 Ohm avec pas moins de 36 transistors de puissance bipolaires appairés (des NEC 2SD555/2SB600 de 200W chacun) pilotés par 12 drivers connectés en parallèle selon un montage Darlington “Super Linear”.
J’ai eu la chance de l’écouter driver une paire d’enceintes JBL Everest en combo avec le préampli SC1000 qui lui est dédié. Ces enceintes taillées pour le marché japonais qui ne brillent pas vraiment par leur exubérance en infrabasses semblaient transfigurées tant l’extrême grave était ferme et présent et les compressions à aucun moment ne saturaient ni sur les passages aigus difficiles ni sur les médiums les plus complexes qui restaient intelligibles et chauds. C’est sûrement un des meilleurs ampli de puissance qu’ai jamais sorti Marantz.
Prix d’occasion : entre 4000 et 5000 euros le combo SM 1000/SC 1000.
Onkyo Integra M-5090 & Préampli P-3090 (1983) :
Encore une belle réalisation d’Onkyo avec cet excellent amplificateur de puissance dépassant les 30 kg!
À l’extérieur, sur la façade avant, deux grands Vumètres rétroéclairés en vert du plus bel effet. Une trappe cache les potentiomètres de réglages de chaque voie et les commutateurs d’enceintes. Face arrière, des borniers pour connecter deux paires d’enceintes et une entrée préampli asymétrique cinch. Les côtés sont ajourés d’une plaque en bois précieux.
À l’intérieur, quatre condensateurs 30.000 µF/90 V, deux énormes transfos blindés et un système de refroidissement sur les côtés. Concernant l’électronique de puissance, nous trouvons un sextuple push-pull de transistors MOSFET Sanken 2SC2773/2SA1169 permettant à l’ampli de délivrer plus de 200 W sous 8 Ohms ! Il est équipé du système W Super Servo équivalant à une alimentation 100 fois plus grande, sachant qu’elle était déjà surdimensionnée. Autant dire que même dans les conditions d’écoute les plus extrêmes, les basses n’ont qu’à bien se tenir.
L’amplification du 5090 fonctionnait selon un système de polarisation glissante personnalisé qui évitait les commutations constantes de la classe B détériorant le signal et prenait le meilleur de la polarisation en classe A équipant la plupart des amplis haut de gamme de l’époque. Ce système de pilotage servo très avancé du pré-pilote détectait les différences de température entre chaque transistor de sortie, la stabilité de la polarisation et la stabilité de boucle de rétroaction.
À près de 4700 $, le combo P-3090/M-5090 était clairement orienté dans le haut de gamme mais il s’est néanmoins très bien vendu, notamment au Japon. En fonction de son année de production (de 1982 à 1986) et de son pays d’exportation, l’appareil fut labellisé Onkyo M-509, M-5090 ou M-200.
On peut le trouver d’occasion à partir de 2500$. Comptez 1500$ pour le préampli.
Sansui B-2101 & Préampli C-2101 (1986) :
Au tout début, Sansui était un simple fabricant de transformateurs. Puis la firme commença à fabriquer des amplificateurs et des tuners. De la fin des années 1950 au début des années 1960, Sansui développa une solide réputation audiophile de classe mondiale, d’abord dans le tube avec le SM-88 au Japon, puis les AU-70 et AU-111, avant de passer à l’amplification à transistors au silicium avec le AU-777 en 1967.
Le B-2101 est un ampli de puissance de 200 W RMS par canal équipé de la technologie X-Balanced. En bref et selon la notice que vous pourrez parcourir dans les documents joints, la sortie de l’amplificateur est électriquement équivalente à un transformateur mais contrairement à ce dernier, elle peut fournir une réponse en fréquence très étendue allant du courant continue à plusieurs centaines de kilohertz, tout cela en gardant une distorsion harmonique très basse et une capacité de puissance très élevée.
L’ampli de puissance est sobre, tout de noir vêtu. À noter l’apparition du barre graph stéréo à mémoire de crète conformément à la mode des années 80. Dans les entrailles de la bête on trouve 16 transistors de puissance fixés sur des radiateurs peigne, une alimentation conséquente (un seul solide transfo torique blindé mais quand même deux capa de 10.000 µF pour chaque voie). La qualité est un peu “cheap” pour du haut de gamme, mais très largement supérieure aux standards de la hifi de l’époque tirées par le bas par les premières délocalisations des manufacturiers audio vers la chine, profit oblige.
Une version upgradée (baptisée B-2101L) sortit en 1985. Elle pesait 10 kg de plus (soit 36 kg) et contenait des composants audiophiles.
Prix d’occasion : à partir de 1500 $ pour la paire ampli & préampli.
Yamaha M-80 & Préampli C-80 (1984) :
Le M-80 est un ampli bien construit, assez puissant avec ses 200 Watts pour piloter des enceintes à faible gain (par exemple 86db/1w/1m sur les panneaux électrostatiques Magnepan, Martin Logan, Quad…), et dont le design est très en phase avec les années 80 (barregraph à led rouges se détachant sur une façade alu toute de noir vêtu). La classe A automatique permet à l’ampli de fonctionner pendant ses premiers watts en classe A et effectue une transition imperceptible vers la classe AB vers 10 watts, quand plus de puissance est nécessaire. Le M-80 et le C-80 utilisent tous deux ce que Yamaha appelle des circuits “Zero Distortion Rule”, apparemment une combinaison de techniques de rétroaction et d’anticipation qui, en théorie, peuvent réduire la distorsion à zéro.
Pour la partie amplification de puissance, 4 paires de transistors Sanken 2SA1169/2SC2773 pouvant dissiper chacun 150 Watts sont montées sur des dissipateurs surdimensionnés. L’alimentation dédiée est monstrueuse puisque nous avons deux énormes transfos blindés imprégnés de résine sous vide et pas moins de 80.000 µF de filtrage pour chaque voie réparti en 4 capacités électrochimiques de haute qualité…
L’attention portée aux détails du combo ampli/préampli est impressionnante. Chaque connecteur de signal est plaqué or, tout comme les fiches du câble blindé double fourni avec le C-80 pour la connexion au M-80. Toutes les commandes fonctionnent avec douceur et précision et pas de bruit de fond.
Le préampli C-80 sonne bien alors autant le décrire sommairement. Il dispose d’un Loudness réglable grâce à un double potentiomètre concentrique intégré dans le bouton de volume. Ce circuit (maudit par tout audiophile dogmatique qui se respecte) rempli ici parfaitement sa fonction à partir de niveaux très très bas. Les commandes de tonalité paramétriques du C-80 sont capables de correction de fréquence dépassant de loin la capacité des commandes de tonalité conventionnelles d’autres marques Hifi. Chacun (graves et aigus) dispose de trois réglages : la fréquence centrale (variable en continu sur une plage de 31,5 Hz à 800 Hz pour le contrôle des graves, et de 800 Hz à 20.000 Hz pour les aigus), le niveau (amplification ou atténuation sur une plage de ± 12 dB !!! ce qui approche presque la correction de certaines tables de mixage sono, avec une position centrale à réponse plate), le réglage de la largeur de bande passante, qui fait varier la largeur de la partie affectée du spectre audio. Comme pour le volume et le loudness, ces deux derniers réglages évoqués sont intégrés dans une même commande concentrique.
On trouve ce combo Yamaha pour pas cher, et il marche super bien. Ce n’est pas du très haut de gamme comme le Marantz SM-1000, mais on en a pour son argent. Que les audiophiles allergiques à la correction de tonalité se rassurent, en position flat sélectionnable sur la façade du préampli, cette dernière est totalement inopérante et on peut alors profiter du “natural sound” de la firme avec une courbe de réponse linéaire.
Prix d’occasion : 700 $ pour l’ampli et idem pour le préampli.