Les Cités Utopiques (Auroville, Slab City, Bombay Beach)

Rares sont les villes qui ont été bâties en privilégiant avant tout le bien-être humain. Au moyen-âge, les architectes et les maîtres d’œuvres se préoccupaient avant tout de la sécurité en lovant les habitations à l’intérieur de remparts les protégeant des envahisseurs, telle la fameuse cité de Carcassonne qui sera restaurée bien plus tard, sous le second empire, par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc. Sous Napoléon III, Paris aussi se refit une beauté grâce à Georges Eugène Haussmann qui construisit d’élégants bâtiments équipés du confort moderne (destinés cependant aux gens aisés) bordant de longues et larges avenues qu’il perça dans les insalubres bâtisses rescapées du moyen-âge.

Au milieu du XXième siècle arrivèrent les grands ensembles marqués par un urbanisme de barres et de tours inspiré des préceptes de l’architecture moderne permettant certes un large accès au confort moderne pour les gens modestes mais mal conçus car loin des commerces, loin des transports, exempts d’insonorisation ou de vie de quartier, propices à la ghettoïsation.

Le fait de mettre le monde dans l’homme et non le contraire demande à l’architecte moderne de devenir philosophe et ce n’est pas facile, même de nos jours. Certains s’y sont essayés avec plus ou moins de succès dans les années 60 notamment en France. Jean Balladur, bâtisseurs des célèbres immeubles pyramidaux de la station balnéaire de La Grande Motte disait : «L’architecture, on le voit, joue à La Grande Motte son rôle naturel d’organisation et de protection pratique de la vie de ses habitants, tout en leur apportant le système enrichissant des formes contemporaines du béton, associées à une symbolique qui parle à leur âme autant qu’à leur cœur».

Cependant, pour Auroville, les instigateurs de la plus extrême des visions de la cité du futur ne sont pas des architectes mais des philosophes spiritualistes, certes épaulés par l’architecte Roger Anger.

Auroville (La Cité du New Age) :

Architecture avant-gardiste – Auroville – Inde

“Les villes aussi se croient l’œuvre de l’esprit ou du hasard, mais ni l’un ni l’autre ne suffisent pour faire tenir debout leurs murs. Tu ne jouis pas d’une ville à cause de ses sept ou soixante-dix-sept merveilles, mais de la réponse qu’elle apporte à l’une de tes questions.” répond Marco Polo à Kublai Khan dans son dialogue imaginé par Italo Calvino. Cet extrait du roman “Les Villes Invisibles”, résume à lui seul la raison d’être d’Auroville, cette ville expérimentale située à une dizaine de kilomètres au nord de Pondichéry dans l’État du Tamil Nadu en Inde et qui a pour vocation d’être, selon les termes de sa conceptrice, «le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes de tous pays apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de tous les crédos, orientations politiques et nationalités».

Dès 1965, Roger Anger (qui fut aussi l’architecte des trois tours de l’île verte à Grenoble) conçut le plan d’Auroville qu’il nomma la « Galaxie », où quatre zones, constituées de grands bâtiments futuristes, s’enroulent autour du temple et de ses jardins en formant un cercle parfait. Auroville fut créée dans la pratique en 1968 par Mirra Alfassa (Mirra Richard), plus connue sous le nom de la Mère et compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo, fondateur d’un ashram à Pondichery. « La Mère » est décédée en 1973. Un demi-siècle plus tard, si des bâtiments administratifs et des habitations sont sortis de terre, ils sont pour la plupart de taille modeste. Pour les voyageurs de passage à Auroville, la plupart des constructions sont presque invisibles, cachées par une végétation touffue plantée par les Aurovilliens.

La cité compte aujourd’hui 80 installations et près de 2400 personnes, venues de 49 nations et engagées dans des activités diverses comme le reboisement, l’agriculture organique, les services médicaux, le développement du village, etc… À présent, le tout est géré par la fondation Auroville. Au centre d’Auroville, se trouve la zone de la Paix, laquelle abrite le Matrimandir et ses jardins, l’amphithéâtre contenant l’Urne de l’Humanité (dans laquelle se trouve mélangée un peu de terre de 124 pays différents) et un lac censé créer une ambiance de calme et réapprovisionner la nappe phréatique. Le Matrimandir est un dôme culminant à 29 mètres recouvert de 1415 disques dorés qui abrite une salle de méditation futuriste en marbre blanc, éclairée par un globe en cristal massif de 70 cm pesant environ une tonne qui fut coulé en 1987 chez chez Chotts à Mayence et livré une fois poli à Auroville par l’entreprise allemande Zeiss en 1991 pour une somme de 230.000 Marks.

Quatre zones s’ordonnent autour de cette zone centrale :

La zone culturelle située à l’est de la zone centrale qui est vouée aux activités éducatives, artistiques, culturelles et sportives. Les activités culturelles incluent des programmes de théâtre, de musique de danse. L’institut international Sri Aurobindo de recherche éducative coordonne le système entier de l’éducation à Auroville. En plus d’héberger un festival de cinéma qui se déroule deux fois par an, les Auroviliens et les visiteurs ont, durant toute l’année, un accès gratuit à une multitude d’activités et de représentations culturelles : cinéma, théâtre, musique, danse, chorale, lectures de poésie, expositions, présentations PowerPoint, conférences, etc… L’énergie créative qui caractérise Auroville est aussi fondatrice du climat encourageant diverses formes d’expression esthétique, notamment les festivals artistiques d’Auroville et les expositions qui sont aussi largement accueillies en Inde.

La zone internationale située à l’ouest de la zone de la Paix, destinée à accueillir des pavillons nationaux et culturels, regroupés par continents. Elle ressemble à un campus cosmopolite, un lieu de rencontre pour des compatriotes.

La zone industrielle située au nord de la zone de la Paix, qui sert à abriter les industries vertes, les centres de formation, l’artisanat, et les services administratifs de la ville. Cette section gère des unités de production pour Auroville, qui aspire à être une ville financièrement indépendante. Elle sponsorise plusieurs industries, telles des unités de traitement alimentaire et des entreprises d’embouteillage, de boulangerie, de fabrication de saumure, de vêtements, d’assemblage de composants électroniques, etc…

La zone résidentielle au sud de la zone de la Paix qui est réservée à l’habitat sur 45 % de sa superficie et à la verdure sur 55 %. Elle inclut des structures qui vont des huttes à des maisons individuelles et des appartements. Tous les biens immobiliers (terrains, maisons, puits) sont la propriété de la fondation Auroville, la propriété privée étant interdite. Pour devenir l’occupant d’une maison existante, il faut faire don à la fondation du montant équivalent à la valeur de la maison et il en est de même pour bâtir une maison.

Autour de ces quatre zones périphériques s’étend une ceinture verte de 1,25 km de rayon, regroupant fermes biologiques, laiteries, vergers, forêt, habitat protégé pour la faune. Elle est censée fournir bois de construction, nourriture, remèdes, et servir de lieu de détente et de poumon vert.

La Cuisine Solaire est la plus importante cuisine collective de la communauté d’Auroville. Elle a été terminée en décembre 1997. Depuis lors, elle sert les déjeuners dans un grand réfectoire et elle envoie également des repas à différents endroits, écoles et particuliers. Elle tire son nom du grand concentrateur solaire sur le toit, qui fournit une partie de la vapeur de cuisson chaque jour ensoleillé de l’année. L’autre partie de la vapeur nécessaire est fournie par une chaudière au diesel.

Les résidents d’Auroville ont créé quelques infrastructures de base (routes, eau, électricité, télécommunications, y compris un réseau de communication électronique). Plusieurs endroits offrent le Wifi gratuit à Auroville, de même qu’une dizaine maisons d’hôtes.

Certains ont perdus leurs illusions sur l’utopie originelle d’Auroville. La communauté devait fonctionner sans argent, mais elle a dû se résoudre à en introduire pour des raisons pratiques, les habitants s’autofinançant pour la plupart par un métier (l’hébergement des invités, la fabrication d’encens, de produits bio, bougies, poteries, bijoux, vêtements, que l’on peut acheter dans les boutiques d’Auroville et de Pondichéry, mais aussi au-delà des frontières de l’Inde. Un tiers des bénéfices revient à la communauté), une rente ou une pension. L’intégration des populations tamoules présentes sur le site n’est pas non plus un modèle de réussite sociale sachant qu’ils sont payés au tarif de base local (c’est à dire 80€ par mois environ…). Cependant la critique est aisée mais l’art difficile et l’on ne peut nier qu’Auroville est le seul projet d’urbanisme alternatif cohérent qui ait vu le jour et soit resté viable depuis la fin des années 60.

Voir sur YouTube : Auroville, “la ville dont la Terre a besoin” par Guillaume Estivie

Slab City (La Cité du squat) :

Installation de Salvation Mountain – Slab City – Californie

Si Auroville est une vraie cité conçue par un architecte urbaniste investi dans une démarche philosophique, Slab city est plutôt un campement permanent situé en plein désert près de Salton Sea, dans le sud-est de la Californie, servant de port d’attache à des marginaux qui cherchent un dernier espace de liberté et de gratuité dans un pays ultra-libéral ou bien, le temps de la saison d’hiver, à des snowbirds (boomers en mal d’aventure désertant le froid du nord au volant de leur camping-car de luxe).

L’histoire du lieu : Avant l’entrée officielle des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale, le Corps des Marines des États-Unis prit la décision d’implanter un terrain d’entraînement pour les unités d’artillerie antiaérienne dans une zone accessible aux avions décollant des porte-avions près de San Diego. Pour créer la base d’entraînement, 255 ha furent adjugés à l’armée. Le gouvernement nomma la base en hommage au brigadier général du Corps des Marines Robert Henry Dunlap. Une fois la construction du camp Dunlap terminée, il fut mis en service le 15 octobre 1942. Le camp disposait de bâtiments, d’eau, de routes et de collectes d’eaux usées pleinement fonctionnels. La base a été utilisée pendant trois ans pendant la guerre. En 1949, les opérations militaires au Camp Dunlap furent considérablement réduites, mais une équipe limitée resta sur place jusqu’à ce que la base soit démantelée. En 1956, la tâche de démolition s’acheva, mais les dalles bétonnées furent laissées intactes.

La zone qui est maintenant connue sous le nom de Slab City (Slab signifie dalle en Anglais) était jadis le lieu d’entraînement d’artillerie pour le camp. Il a d’abord été squatté par quelques vétérans qui y avaient travaillé, suivis plus tard par des marginaux vivant de l’aide sociale et enfin par des camping-caristes à la recherche d’emplacements de camping gratuits à l’extérieur de Palm Springs. Les résidents actuels se désignent eux-mêmes comme des Slabbies tandis que les touristes sont appelés Normies.

La popularité de Slab City a augmenté après la publication d’un article dans Trailer Life et RV Magazine vers 1984 et par la suite en 2007, par Sean Penn qui dans un passage du film “Into The Wild”, fait évoluer son héros dans la cité notamment lors d’une visite de Salvation Montain. Le site ne comporte aucune règle et il n’y a pas de taxe pour le parking. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau courante, pas de toilettes et autres services publics de la sorte. De nombreux campeurs utilisent des centrales ou des panneaux solaires pour produire de l’électricité. L’alimentation peut être trouvée dans la petite ville proche de Niland à cinq kilomètres au Sud-Ouest et où les enfants des résidents vont à l’école.

Réalisations artistiques et scéniques :

Salvation Mountain : Située directement à l’Est de l’autoroute 111, l’entrée de Slab City est facilement reconnaissable grâce à l’installation artistique de Salvation Mountain, une petite colline d’une quinzaine de mètres couverte de peintures et de versets de la Bible, un projet du résident Leonard Knight, décédé le 10 février 2014 à l’âge de 82 ans. Une nécrologie de Knight a déclaré qu’il “a passé près de 30 ans à construire la montagne colorée. Construite en adobe (brique mêlée de paille) et en béton couverts de peinture au latex, Knight travaillait sur la montagne toute la journée, tous les jours. Il dormait au pied de la montagne à l’arrière d’un camionnette, sans électricité ni eau courante “.  En 2002, la Montagne du Salut a été nommée trésor national d’art par le Congrès.

East Jesus : est une installation artistique expérimentale, durable et habitable située dans Slab City. Il n’y a pas de connotation religieuse dans le nom de Est Jésus (c’est plutôt un langage familier pour une œuvre au milieu de nulle part et en apparence, totalement futile). L’installation hors réseau fonctionne sans services publics municipaux. Début 2007, Charlie Russell quitta son emploi dans l’industrie de la technologie, emballa toutes ses affaires dans un conteneur qu’il expédia à Slab City, dans un coin jonché de déchets, où il a commença à entourer ses deux voitures de sculptures. Russell, souvent appelé Container Charlie, a nommé ce site East Jesus. Il est décédé en mai 2011 et son œuvre est protégée par l’association de Frank Redford qui gère les expos des artistes itinérant qui s’y posent ainsi que les visites gratuites. Au fil des années, East Jesus est devenu un lieu unique où les artistes peuvent s’exprimer de manières non conventionnelles, voire radicales. C’est un endroit pour vivre et travailler loin des traditionnelles galeries, des musées et du monde de l’art contemporain institutionnalisé. L’art ici ne nécessite pas l’approbation d’un critique, et n’est pas non plus fait avec l’intention d’être vendu.

The Range : est une discothèque en plein air avec scène, lumières, amplificateurs et haut-parleurs, équipée de canapés en lambeaux et de vieilles chaises pour s’asseoir. Tous les samedis soirs, vers le crépuscule, les habitants et les visiteurs se rencontrent pour un spectacle mettant en vedette des musiciens résidents permanents et toute autre personne souhaitant monter sur scène et se produire. Le lieu est géré par William Ammon, ancien résident, connu sous le nom de “Builder Bill”.

Un article du magazine Smithsonian en octobre 2018 qualifiait la communauté de “paradis des squatteurs” que les habitants considèrent comme “l’un des derniers endroits libres d’Amérique”. L’article disait à propos de la population: «Il y a clairement des gens là-bas qui ne veulent pas être trouvés, ils veulent disparaitre du système, et le désert offre ce genre d’opportunité.»

Voir sur YouTube : Les campeurs sauvages de slab city par Corentin Mullender et Into the Wild-Salvation Mountain Scene par gse3

Bombay Beach (La Cité post-apocalyptique) :

Installation d’avion – Bombay Beach – Californie

Dans les années 1940 et 1950, avant d’être détruite par la mer de Salton, Bombay Beach était censée être un terrain de jeu pour les riches vacanciers. Elle fut conçue pour être la version californienne de la Côte d’Azur, et des célébrités telles que Frank Sinatra, les Beach Boys et Bing Crosby l’aurait fréquenté pour y pratiquer la navigation de plaisance, le ski nautique et la pêche. La région attirait un demi-million de touristes annuellement, rivalisant avec le parc national de Yosemite.

Mais une série d’inondations causées par les tempêtes tropicales des années 1970 engendra un ruissellement d’eau chargée des pesticides traitant les cultures environnantes qui s’accumulèrent dans ce lac fermé soumis à une forte évaporation pendant l’été. La pollution et l’augmentation de salinité entraînèrent d’importantes morts d’oiseaux et de poissons. De nombreux résidents autour de la mer de Salton, y compris ceux de Bombay Beach, déménagèrent en raison de l’odeur du poisson en décomposition et de la peur des problèmes de santé liés à la pollution et des inondations répétées.

Ceux qui restèrent étaient soit trop pauvres pour déménager, soit trop attachés à l’histoire de la région pour partir. En septembre 2019, un rapport de l’Institut du Pacifique signalait que dix ans plus tôt, “il y avait quelque 100 millions de poissons dans la mer. Aujourd’hui, plus de 97 pour cent de ces poissons ont disparu.”

La zone ne s’est jamais remise. Les quelques résidents restants vivent aujourd’hui dans des caravanes, où ils se cachent du soleil brûlant. La plupart des quelques habitants utilisent des voiturettes de golf pour se déplacer, car la station-service la plus proche se trouve à 32 km à Niland. Il n’y a que deux magasins dans la ville, dont l’un est un dépanneur, et l’hôpital le plus proche est à plus de 45 minutes à Brawley. Le bar et restaurant Ski Inn est le seul établissement de restauration et de boisson de la ville. Le “Bombay Beach Drive-In” est une installation artistique composée de vieilles voitures abandonnées dans un cinéma drive-in. Un visiteur en 2019 a écrit qu’il y avait de nombreuses «maisons et roulottes depuis longtemps abandonnées» et que de nombreux bâtiments étaient «des façades sans fenêtre recouvertes de graffitis, entourées de meubles cassés et de gravats».

Le statut de «ville fantôme habitée» de Bombay Beach a attiré de nombreux photographes, cinéastes, explorateurs urbains et touristes, au point que les habitants ont tendance à demander aux visiteurs s’ils sont des cinéastes qui sont là pour tourner un documentaire.  La communauté organise la Biennale de Bombay Beach chaque printemps depuis 2016, invitant “des artistes, des universitaires, des écrivains et des cinéastes à créer des œuvres, à donner des conférences et à mettre en scène des événements”.

Voir sur YouTube : Bombay Beach CA Rediscovered par DesertUSA

Les Écodomes SuperAdobe : l’écocité du futur?

Bonita Domes – Josua Tree – Californie

Inventé par l’architecte iranien Nader Khalili, l’écodome en Superadobe est une construction durable rapide à édifier pour un prix modique, adaptable à tous pays quelques soit les climats. On peut l’auto-construire en petit groupe de 6 à 10 personnes après avoir suivi une rapide formation pratique ; la construction d’une structure de 100 m2 prend 2 à 3 mois, puis à cela il faut ajouter une à deux semaines de délai pour la première couche d’enduit et le second œuvre (plomberie, électricité, pose des portes et fenêtres,…), et encore une à deux semaines pour les 2ème et 3ème couches d’enduit à plusieurs mois d’intervalle. L’écodome est relativement isotherme, il résiste aux ouragans, aux séismes, aux inondations et aux incendies et il s’inscrit dans une démarche respectueuse de l’environnement.

La Technique : Les écodomes sont constitués de sacs empilés remplis de gravats et de terre locale. Les sacs sont maintenus par des fils de fer barbelés. La terre sèche avec le temps. Il suffit de recouvrir le tout pour protéger les sacs des rayons ultra-violets. Un écodome ne coûte que 10.000 dollars. La technique Superadobe de construction rapide pour les maisons (et des bâtiments publics) est un formidable espoir pour les zones dévastées mais il peut être utilisé également comme résidence familiale.

Le concepteur de l’écodome superadobe : Nader Khalili, reçoit sa formation en philosophie et en architecture en Iran, en Turquie et aux États-Unis. En 1970, il obtient une licence de l’État de Californie et exerce la profession d’architecte aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Khalili s’est fait connaître par l’application du système Geltaftan Earth-and-Fire, connu sous le nom de “Ceramic Houses”, et par la technique de construction Earthbag appelée “SuperAdobe”. Ses conceptions s’inspirent fortement de celles des maisons arides traditionnelles en Iran, son pays natal. En 1984, il développe son système Super Adobe, en réponse à un appel de la NASA pour la conception d’établissements humains sur la Lune et sur Mars. Le projet garde un caractère totalement théorique jusqu’à la Guerre Iran-Irak, au cours de laquelle des réfugiés sont envoyés en Iran. C’est alors que Khalili s’associe au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et met ses recherches au service des abris d’urgence.

En 1991, il fonde à Hesperia le California Institute of Earth Art and Architecture (Cal-Earth) où il enseigne sa technique de construction Super Adobe. Une promenade autour du campus est une promenade à travers l’évolution historique de la technologie de construction SuperAdobe. Les conceptions de bâtiments vont d’un petit abri d’urgence pour une personne qui peut être construit en une journée afin de créer un village d’hébergement temporaire, à une maison tout confort équipée de 3 chambres et d’un garage pour 2 voitures, tous construits selon les mêmes principes. Alors que certaines des structures sur place sont entièrement finies, d’autres font partie du processus de recherche et développement en cours. Les successeurs de Nader Khalili (décédé en 2008 à l’âge de 72 ans) étudient la performance de la structure en réponse aux conditions climatiques et aux événements sismiques. Ces structures sont des ébauches, mais sont extrêmement informatives. La leçon première que les étudiants apprennent à Hespéria est que la force de la géométrie de la voûte reste inégalée à ce jour!

On peut se demander pourquoi une structure possédant de telles qualités ne s’est pas plus répandue, surtout à notre époque où le développement durable s’érige en nouvelle religion. D’ailleurs les gens intéressés par l’écodome dans le but d’en faire leur résidence principale se rendent vite compte qu’il n’est pas très populaire auprès des services d’urbanisme de notre pays en raison des normes d’isolation et d’esthétique en vigueur (pour respecter la norme RT 2012, et la nouvelle RE 2020, il faut ajouter une fibre isolante dans les enduits ; certains PLU exigent des des toits inclinés à 45 degrés, etc…). Mais en y réfléchissant bien, on subodore une autre explication à ce manque d’intérêt : Une maison individuelle en superadobe peut être construite à moindre coût (45.000 euros environ terrain compris…). On peut penser qu’un tel projet, s’il se généralisait au bénéfice des plus modestes, ne serait pas du goût de l’état qui rentrerait beaucoup moins de taxes. Pensons aussi aux entreprises du bâtiments qui se retrouveraient amputées d’une grosse partie de leurs revenus. Avec la forte diminution du montant du crédit immobilier et de sa durée de remboursement (pour ceux qui ne s’autofinanceraient pas), les banquiers pleureraient sur leurs pertes. Bref, ces belles maisons économiques en superadobe ont un défaut majeur pour notre système économique ultralibéral : elles permettent de faire de belles économies à ceux qui les construisent, mais peu de bénéfices à ceux qui voudraient les vendre et en faire un business…

François

Voir sur YouTube :  Sustainable Architecture: Hesperia’s Superadobes par KCETSoCalConnected

Photo entête d’article : Le Matrimandir – Auroville – Inde

Sono Vintage – La sono des night-clubs (1980-99)

En cette période qui n’est pas très rose pour les discothèques, les disco-mobiles et l’événementiel en général, j’ai pensé qu’il serait sympa de rendre un hommage rétro à ces acteurs importants de nos soirées juvéniles en évoquant l’équipement qui nous permettait de nous trémousser tous les weekend au rythme de la musique pop, funk, disco et plus tard techno selon ses goûts. À cette époque heureuse ou l’on pouvait encore siroter quelques cocktails au milieu de la piste de danse tout en fumant une cigarette, le DJ passait la soirée à “pousser des disques” enchaînés au bon tempo tout en déclamant au micro des phrases enthousiastes à la Yannick Chevalier visant à chauffer l’ambiance jusqu’au bout de la nuit. Puisque je me suis déjà longuement attardé sur les tables de mixages (Freevox DJ Club, Tables de mixage des années 80 Partie 1, Partie 2), les tourne-disques et les magnétophones de cette époque, je vais évoquer dans cet article la partie sonorisation.

La sonorisation des discothèques & des disco-mobiles :

Des années 70 aux années 80, les discothèques étaient équipées de système où l’amplification et les enceintes acoustiques se trouvaient séparées (enceintes passives). L’amplification était simple, double ou triple, selon l’importance du système audio et le volume de l’établissement. La mono-amplification faisait intervenir un seul amplificateur de classe AB ou B dont la puissance variait entre 200 et 400 watts, laquelle était délivrée dans une paire d’enceintes à haut rendement (100 db/1w/1m) équipées d’un filtrage passif deux ou trois voies filtrées à 12 db/octave. La multi-amplification, plus sophistiquée, comprenait un filtre électronique dit actif, qui découpait la bande passante de la musique en deux ou trois plages de fréquences (grave, médiums, aigus) filtrées chacune selon une pente allant de 18 à 24 db/octave. Cela évitait de s’encombrer de selfs, condensateurs et résistances devenues énormes donc coûteuses à ces puissances élevées et surtout d’avoir une dynamique bien meilleure. Deux ou trois amplis stéréo allant de 200 watts en classe AB pour les médiums aigus à 700 watts ou même 1000 watts en classe H pour les graves, alimentaient chaque pavillon de l’enceinte : les caisson à évents bass reflex pour les HP graves et bas médiums et des pavillons exponentiels ou des trompes pour les compressions médium aigus et aigus. Leur rendement évoluait en général entre 97 et 102 db/1w/1m.

Les grosses discothèques des années 80 étaient généralement équipées d’un système à tri-amplification, souvent des enceintes à pavillons JBL, Altec, Metler Audio, HH Electronic ou ALS Pro structurées selon un empilement en “château” dépassant souvent les 2 mètres de hauteur et alimentés par une baie d’ampli Crown Microtech MT 1000, HH Electronic Mos Fet V800, Dynacord PAA 1200, Amix H 2700S ou EMB CS 2 à travers un filtre actif SCV ou Dynacord. Les clubs les plus modestes sonorisaient avec des JBL (les célèbres Cabaret 4612, les MI 632 et à la fin des années 80 les M350), des Bose 802 ou des Dynacord E153 S Alimentées par des amplis Urei 6690, Bose 1802, Ramsa WP 9201 ou Dynacord PAA 800 .

Châteaux Mettler Audio

À partir des années 90 sont apparues les enceintes professionnelles amplifiées (dites actives), alimentées directement par le signal stéréo symétrique depuis la sortie de la table de mixage. Pour les gros systèmes avec renfort de basse, l’amplificateur se trouvait niché dans le caisson de grave, généralement pourvu d’un HP de 38 ou 45 cm alimenté à travers un filtre passif. Une double prise symétrique alimentait alors les deux satellites droite et gauches pourvus d’une compression pour les aigus et d’un grave médium de 30 cm.

Dans les années 90, rien ne change pour les gros clubs qui fonctionnent pour la plupart avec des enceintes passives à pavillons, si ce n’est la miniaturisation des amplis grâce à la classe D et ses dérivées qui diminue leur poids et augmente leur rendement (Crown K2). Par contre les boîtes de taille plus modeste et les disco-mobiles professionnelles optent peu à peu pour des enceintes compactes amplifiées bien plus pratiques (qui d’ailleurs se sont de nos jours généralisés un peu partout à l’exception près que les amplis embarqués fonctionnent en classe D, ce qui augmente leur compacité et diminue le poids de façon drastique). On retiendra les fleurons que furent les JBL EON 15, Electro-Voice SX300A, DAS DS 115A et Yorkville NX 750P.

Deux paires d’enceintes passives compactes qui ont marqué cette époque :

Bose 802 (1980-Toujours en vente) :

Enceinte Bose 802 Série II

On ne peut pas parler de sonorisation sans évoquer la mythique Bose 802 qui est au monde professionnel de l’animation ce qu’est la Bose 901 à la haute fidélité. Elle était présente partout dans le domaine de l’animation des années 80 et c’est le cas encore de nos jours avec la version IV qui a toujours autant de succès. L’enceinte est légère (14 kg), solide, compacte et puissante (240 W avec des pointes à 480 W). L’angle de diffusion est important grâce à la conception de montage des huit haut-parleurs large bande de 11,34cm, montés symétriquement en paires verticales sur une face avant à facettes “Articulated Array”. La Bose 802 fut une des première à disposer d’un dispositif de montage polemount adapté aux trépieds standardisés de sono. De plus, elle était équipée d’un couvercle pour le transport.

Les haut-parleurs sont caractérisés par une faible impédance et une bonne endurance. Leur équipage mobile (membrane, enroulement et spider) est conçu pour durer dans des environnements agressifs.

La sensibilité de l’enceinte est assez basse pour de la sono (91 db), mais cela ne nuit pas au niveau sonore maximum qui s’élève tout de même à 123 dB! L’esthétique est particulièrement réussie et a été mainte fois copiée sans cependant lui équivaloir. La 802, c’est aussi un son caractéristique (chaud et doux dans les médiums qui sont mis en avant sans agressivité) qui peut devenir spectaculaire lorsqu’elle est équipée du processeur dédié réglé correctement et d’un caisson de basse adapté (502). Sa notoriété est aussi due au fait qu’elle n’est pas agressive dans les aigus et qu’elle accroche très peu dans les médiums aigus (pas de compression, pas de larsen). Il faut noter que les nouvelles Bose sont équipées de HP en Kevlar (matière quasiment indestructible utilisée pour les gilets pare-balle…).

Prix des Bose 802 en 1984 : 8330 F

Prix d’occasion : entre 400 et 600 € selon l’état et la série.

JBL M330 & M350 (1991-98)

JBL M Séries

Les JBL série M furent sûrement les enceintes de sonorisation professionnelle les plus appréciés des années 90. On les voyait partout que ce soit dans les discothèques, les bars de nuit branchés ou les disco-mobiles bien équipées. Elles avaient tout pour elles : une relative compacité, un poids certes élevé mais encore compatible avec la transportabilité, une restitution sonore proche de la haute fidélité (Bande Passante : 45 Hz – 18 kHz) grâce à une compression haut de gamme 2216H (présente aussi sur les Control 12 SR) et un boomer performant qui pouvait être au choix un 222-8 (30cm) ou un 252-8 (38cm). Le rendement de l’enceinte était compatible avec sa fonction (99 db) puisque avec un ampli de 350 watts, elle pouvait atteindre un niveau sonore théorique de 124 db…

Esthétiquement, l’enceinte était superbe avec sa grille intégrale nervurée protégeant les haut-parleurs et son caisson profilé au design trapézoïdal novateur. Elle était aussi bien pratique avec son embase normalisée qui permettait de la jucher sur un trépied en sonorisation mobile. Une version encore plus haut de gamme dédiée aux auditoriums existait cette fois en version trois voies, équipée d’un M202A dans les aigus et d’un médium M209-8 de 20 cm, le grave de 38 cm restant inchangé. La BP s’améliorait alors à 35 Hz-22 kHz, se qui est exceptionnel pour de la sonorisation.

Prix des enceintes en 1991 : 9000 F pour les M330 et 12.000F pour les M350.

Prix d’occasion : entre 400 et 600 € selon l’état.

Amplificateurs sono des années 80 :

HH Electronic V800 MOS-FET

Dans les années 80, les discothèques étaient de grandes dispensatrices de watts et la limite sonore actuelle imposée des 102 db étaient allègrement franchies (dans le genre 115 db avec des pointes à 120…). Autant vous dire que le matos devait assurer et de nombreux patrons de boîtes optaient pour la sécurité du matériel en cas de surcharge. Les HH Electronic Mos Fet, Amcron et Dynacord avaient la réputation d’être increvables, en plus de dispenser un son d’une qualité irréprochable. Les amplis de cette époque pesaient très lourd (la partie alimentation générant déjà la moitié du poids), et possédaient une ventilation pulsée des plus efficace. Les Dynacord PAA800 et PAA1200 étaient particulièrement appréciés car ils possédaient une compression déconnectable incorporée ne travaillant qu’en cas de surmodulation non linéaire, dont l’intervention était inaudible et sans influence néfaste sur la dynamique. Ainsi les enceintes acoustiques étaient systématiquement protégées de toute surcharge permanente qui aurait entraîné une destruction des compressions d’aigu. Je connais un patron dont le night club est équipé d’amplis Dynacord PAA 800 acquis en 1985. Ils fonctionnent toujours et ne sont jamais tombé en panne en 40 ans d’exploitation!

Prix des modèles neufs en 1985 : Crown MT 1000 : 17.000 F ; Dynacord PAA880 : 14.860 F ; Dynacord PAA1200 : 22.800 F ; Bose 1802 : 17.200 F ; Amix H2700S : 24.600 F ; Ramsa WP9201 : 12.400 F.

Prix d’occasion : entre 200 et 600 € selon l’état.

Enceintes amplifiées des années 90 :

JBL Eon 15 (1995-2008) :

À sa sortie, au milieu des années 90, la JBL Eon Power 15 fit sensation avec ses formes inhabituelles permises par le moulage de la caisse en PVC. Ce modèle était résolument Hight Tech avec sa face avant en aluminium moulé intégrant les transducteurs, pas seulement le pavillon de la compression (modèle 2118H) comme il est d’usage, mais l’ensemble du 38 cm. Ce dernier utilise la structure Differential Drive, mise au point par JBL, avec un aimant Néodyme ce qui explique en partie le faible poids de l’enceinte. L’enceinte est équipée de poignées de transport et d’une embase pour pied intégrées dans sa structure.

L’écoute montre un excellent équilibre global avec un grave soutenu qui accepte bien les corrections. Un petit creux dans les médiums permet une petite douceur garante d’une absence d’agressivité dans cette gamme de fréquence difficile à reproduire. Puissance 130 W dans les graves et 50 W dans les aigus. BP : 50-20.000 Hz. Poids : 18 Kg.

Prix du modèle neuf en 1998 : 6500 F

Prix d’occasion : environ 400 € en bon état.

Electro-Voice SX300A : 1995-2008 : 

EV SX300

D’une taille réduite et d’un poids raisonnable (22,8 kg), La SX300 présente une forme trapézoïdale classique et des proportions agréables. La caisse en PVC  comprend de nombreux points de fixation et une embase pour pied. De conception générale assez classique avec un 30 cm pour le bas du spectre et, pour l’aigu, une compression 1 pouce (modèle DH 2010A) associée à un pavillon à directivité constante moulé directement dans la face avant.  L’ouverture de 65°, aussi bien en horizontal qu’en vertical est une caractéristique rare dans sa catégorie qui lui permet d’être “arrayable”, c’est à dire utilisable en plusieurs exemplaires dans un cluster.

Les résultats de mesure sont excellents avec cependant un certain décalage entre le grave et l’aigu qui est mis en avant. En effet, la compression est très généreuse dans le haut du spectre aigu (elle dépasse allègrement les 20 Khz) ce qui est rare en sono. L’écoute offre des voix bien dégraissées avec une excellente définition. Reste que les modulations difficiles doivent être surveillées sous peine de devenir aisément agressives. Auquel cas une correction de tonalité sera la bien venue. La SX 300 est un peu limitée dans le bas du spectre à cause de son boomer de 30 cm, mais le processeur XP200A peut en optimiser le fonctionnement. Un caisson de grave peut aussi être ajouté.

Prix du modèle neuf en 1998 : 9045 F

Prix d’occasion : environ 400 € en bon état.

Crédit photo tête de page : Catalogue JBL Pro – JBL M Series

François

Le mobilier vintage au fil des vieux catalogues (1960-77)

Si certains meubles anciens n’ont plus la cote, il en est tout autrement des meubles vintage. Je ne parlerai pas ici du mobilier art déco de qualité qui est très cher mais plutôt des meubles populaires plus récents qui sont revenus à la mode tout en gardant un prix relativement abordable. Prenez l’ancienne table de cuisine en Formica jaune (et ses chaises) acquise par nos parents dans les années 70, certes elle faisait cheap avec ses couleurs criardes et son ossature métallique tubulaire fragile ; pourtant, si dans les années 80 à 90 elle ne valait pas grand chose même en bon état, elle est maintenant de plus en plus plébiscitée pour faire une déco d’intérieur branchée et s’affiche à la vente à des prix surprenants qui ne cessent d’augmenter. Par contre, essayez de vendre la superbe commode Henri II en bois massif de votre grand-mère ; ce sera comme pour le vieux piano désaccordé trônant dans le hall d’entrée, les brocanteurs vous diront à l’unanimité qu’elle ne vaut plus un kopeck car elle est lourde, encombrante et passée de mode.

Le mobilier a toujours témoigné du mode de vie d’une société. Par exemple, les sièges style Louis XV, reflet de la préciosité et de la féminité du XVIIIe siècle, étaient réservés à une élite pour laquelle l’étiquette de la cour imposait une certaine tenue. À l’inverse, le mobilier contemporain (comme celui d’Ikea que j’évoquerai plus loin) largement diffusé, conçu par des designers, renvoie à une société plus démocratique et libre. Les meubles ainsi conçus s’adaptent à notre environnement, ils sont légers, parfois recyclables, de couleurs assorties. On peut s’avachir dans les poufs face à une table basse. Les artistes designers s’inspirent de leur environnement, et face au développement de la société de consommation, l’intérêt pour le mobilier est légitime.

Les deux marques que je vais évoquer dans cet article sont célèbres bien que l’une d’entre elles ait disparu. Prisunic n’évoque pas dans un premier temps le mobilier mais est plutôt emblématique de la société de consommation de la France née des Trente Glorieuses ; cette enseigne qui est encore présente dans la mémoire collective des français fit incursion dans le monde du meuble design de 1968 à 1977 à travers son célèbre catalogue du même nom ; elle a disparu depuis 2003. Ikea, la célèbre enseigne suédoise, symbolise à elle seule le mobilier scandinave depuis plus de cinquante ans et ne démérite pas de nos jours.

Prisunic (1931-2003) :

À la fin de l’année 1931, Pierre Laguionie, actionnaire majoritaire des grands magasins du Printemps implantés à Paris, décide de créer la chaîne de magasins Prisunic afin de concurrencer la chaîne de magasins Uniprix, créée quelques années auparavant par un concurrent.

Le but de Prisunic est de proposer une gamme de “prix bon marché pour des produits d’usage courant non alimentaires pour l’essentiel, avec de l’épicerie, des confiseries et quelques produits frais”. Dès son lancement l’enseigne connait un grand succès populaire. Le succès des premiers magasins entraîne la création de l’affiliation, ancêtre de la franchise commerciale. Le commerçant affilié bénéficie du nom et des services de la centrale d’achat grâce à la SAPAC, créée en 1934.

En 1958, la styliste Andrée Putman devient directrice artistique de Prisunic. Au début des années 1960, aidée de Denise Fayolle, l’enseigne va populariser le prêt-à-porter naissant alors en France. En 1965, Jean-Pierre Bailly dessine le nouveau logotype de Prisunic : une cible fleurie en son centre.

La vente de meubles par correspondance (1968-77) :

Les magasins Prisunic, en raison du nombre de leurs points de vente (400 dans le monde, environ 300 en France) et de l’importance de leur clientèle, devaient pouvoir vendre des meubles. Mais ces mêmes points de vente ne pouvaient réserver aux meubles la surface nécessaire à leur exposition. En 1968, Francis Bruguière trouva une solution toute simple : établir un catalogue, mis à la disposition des acheteurs sur les lieux mêmes de la vente. Le catalogue est conçu de telle sorte que les objets sont présentés selon l’angle sous lequel les verrait le public dans un hall d’exposition. Le succès fut immédiat, puis rapidement confirmé. Meubles en kit, meubles de designers, c’est la grande diffusion. Terence Conran y participe avec d’autres jeunes designers talentueux comme Gae Aulenti, Marc Held, Olivier Mourgue, Jean-Pierre Garrault. L’aventure durera presque 10 ans et se terminera en 1977.

Prisunic sera achetée en 1997 par l’enseigne Monoprix. Les magasins, pour certains largement déficitaires, sont démantelés et intégrés au réseau des magasins à l’enseigne Monoprix. La dissolution totale de la société est prononcée en 2002. Le dernier établissement à l’enseigne Prisunic ferme ses portes à Noisy-le-Sec en 2003.

Les meubles Prisunic des années 70 ne cessent de prendre de la valeur (comptez par exemple un minimum de 250 euros pour un meuble chiffonnier bleu canard à quatre tiroirs signé Marc Held).

Ikea (Créé en 1943) :

L’acronyme Ikea a été créé à partir des premières lettres du nom du fondateur de la marque (Ingvar Kamprad), du nom de la ferme de ses parents (Elmtaryd) et du nom de son village (Agunnaryd). Ingvar Kamprad, fils de paysans, a la fibre du commerce très jeune. Le porte-à-porte étant une méthode de vente peu adaptée à ses ambitions, Kamprad décide de faire de la réclame dans la presse locale et de travailler avec un catalogue de vente par correspondance en 1945.

Le concept de Ikea repose sur le libre-service de la grande distribution et sur le meuble en kit, emballé depuis 1956 dans un « paquet plat », moins cher à produire et à transporter et plus simple pour le client à rapporter lui-même à son domicile. Cette chasse aux coûts est synthétisée dans le Testament d’un négociant en meubles écrit par Kamprad et remis à tous les nouveaux employés. Les produits sont présentés dans un catalogue distribué à 220 millions d’exemplaires. Il s’agit du troisième ouvrage le plus publié au monde après la Bible et le Petit Livre rouge. Le premier catalogue Ikea est publié en 1951. Distribué à 250.000 exemplaires, ce n’est alors qu’une insertion publicitaire de neuf pages dans un journal suédois. Les légendes des photos sont écrites par le fondateur lui-même. Dans le magasin, les clients se voient imposer un parcours, qui les oblige à découvrir l’ensemble des produits mis en situation pour susciter l’achat impulsif.

Afin de réduire les coûts, Kamprad décide en 1960 de faire fabriquer ses meubles en Pologne. Les fonctions stratégiques de la multinationale sont en revanche toujours à Älmhult (Suède). Ikea compte aujourd’hui 1220 fournisseurs dans cinquante-cinq pays, dont un tiers environ se trouvent en Asie. En 2001, la Chine devient le premier fournisseur de l’enseigne avec 18 % des produits du groupe. La marque peut pourtant avancer le « Design and Quality – Ikea of Sweden » puisque les meubles sont dessinés en Suède, où 7 % d’entre eux sont fabriqués.

L’image de la marque d’une offre à bas prix s’appuie sur la communication autour d’un fondateur dépeint comme économe et simple, qui s’allie à un design suédois au bois blond et aux lignes épurées. L’identité suédoise d’Ikea est affirmée dans la reprise des couleurs nationales par le logo, par les noms des produits, composés d’un seul mot et pour la plupart d’origine suédoise, danoise, finnoise ou norvégienne. Bien qu’il y ait des exceptions, il existe un système de nomenclature reposant sur des noms de lieux ou fleuves scandinaves par exemple. Duktig (« bien élevé ») est une ligne de jouets pour enfants, Oslo est le nom d’un lit, Jerker (un nom suédois masculin) est un bureau, Kassett est un meuble de rangement. Une variété de meubles de bureaux est nommée Effektiv (« efficace »). Skärpt (« aiguisé ») est une ligne de couteaux de cuisine.

Avec la mode du vintage, la cote de certain meubles Ikea s’envole : Le fauteuil Ake des années 50 dessinée par le Danois Philip Arctander peut dépasser les 10.000 euros. La Collection 1700 crée par Lars Sjöberg entre 1991 et 1997 peut atteindre 3000 euros pour la série de chaises et 2500 euros pour la table Bergslagen. Plus abordables, les fauteuils grillagés Oti dessinés par Jorgen Grammelgaard dans les années 80 peuvent se trouver à 300 euros.

Les Derniers Collectionneurs d’Épaves

Entre le collectionneur fortuné convoitant des automobiles anciennes restaurées dans leur strict état d’origine et le récupérateur compulsif d’épaves atteint du syndrome de Diogène, il existe une quantité bigarrée d’adeptes de véhicules vintage. Les premiers ne sont pas forcément les plus intéressants, puisque, après tout, il suffit d’avoir quelques millions d’euros sur son compte en banque pour accumuler dans un hangar anonyme et ultra sécurisé de rutilants modèles de sport ou de luxe en “état concours”. Les derniers, en voie de disparition à cause des nouvelles normes édictées par l’Europe, ne sont plus vraiment en accord avec l’idéal écologique de leurs voisins immédiats ou des notables du coin, notamment en ce qui concerne la pollution visuelle et l’infiltration des fluides suintant de leurs épaves à même le sol, bien que cette accumulation disparate de vieilles guimbardes puisse générer du rêve chez les nostalgiques du passé qui parfois sont friands des souvenirs, des traces que laisse le temps sur ces objets qui jadis furent désirables.

Ceux qui ont visité ces étonnants lieux de stockage à ciel ouvert où les voitures anciennes se dégradent selon un lent processus d’oxydation naturel, admettent qu’un charme, une sorte de mystère se dégage de la lente agonie de ces vestiges de l’industrie automobile. Ici, les mousses et les lichens recouvrent progressivement les portières et les vitres d’une vieille Aronde ; là, les fougères et les figuiers poussent dans l’habitacle et sous les sièges d’une DS des années 60 en partie désossée ; des lapins et des hérissons élisent domicile dans une vieille 404 dont la carrosserie fut jadis de teinte bleu clair ; le hibou, la rainette, le mulot, tant d’animaux d’ordinaire si craintifs se hasardent à laisser entrevoir le bout de leur bec ou de leur museau au hasard du passage d’un curieux devant un vieux tube Citroën gris rouille encore rempli de cagettes. L’odeur caractéristique des fluides usés, des pneus dégradés et des tissus et plastiques en décomposition se joint à ce chaos rétro pour engendrer une espèce de nostalgie qui peut vous prendre aux tripes.

Mais les lois sur l’environnement deviennent draconiennes, et nombre de ces lieux, magiques pour certains, hideux pour d’autres, doivent maintenant être vidés et dépollués par leur propriétaires lorsqu’ils arrêtent leur activité professionnelle ou par leurs héritiers lors d’une succession. Selon leur valeur et leur état, les voitures partent au recyclage en fonderie ou sont rachetés par des collectionneurs lors de ventes aux enchères pour récupération de pièces détachées, restauration intégrale ou partielle et même parfois, remontage complet dans le salon d’une villa luxueuse en conservant leur état de délabrement telles des œuvres d’art contemporain du dernier chic. Dans cet article, je vais évoquer quatre des ventes les plus connues qui ont eu lieu dans l’hexagone. D’abord la vente de la collection Roger Baillon par Artcurial qui fit le buzz en fin d’année 2014, la vente de la collection Gérard Combert, moins prestigieuse mais tout de même de grande qualité qui se déroula en avril 2016, enfin la disparition de casses automobiles plus anonymes comme celle de Jean-Pierre Dumelie à Brazey-en-Plaine ou celle de Michel Martin à Polisot en 2016.

La collection Roger Baillon :

Facel Vega – Collection Baillon

Cette collection “redécouverte” en décembre 2014 est la troisième et dernière partie de la collection de Roger Baillon, un entrepreneur de la région de Niort qui fit fortune dans un premier temps grâce à son activité de carrosserie. À la fin de la deuxième guerre mondiale, il récupère les camions abandonnés par l’armée allemande et rachète ceux des américains pour ne garder que le châssis et la mécanique, et les recarrosser en véhicules utilitaires, loués à des entreprises locales. Mais il se développe encore plus en créant la société des Transports R.Baillon. Grâce à ses semi-remorques à citerne étanche permettant le transport de produits chimiques dangereux, il fait un gros deal de transport avec une société de produits chimique de la région.

Passionné d’automobiles, Roger Baillon veut constituer une collection dans le but d’ouvrir un musée automobile avec son fils Jacques. Grâce à sa fortune, Roger Baillon achète des voitures anciennes dès 1950, en sauve d’autres de la casse à une époque où les Bugatti, Delage, Hispano-Suiza, Talbot Lago et Facel Vega ne valaient pas plus que leur poids en ferraille. Cette collection croît rapidement, les véhicules sauvés de la casse sont destinés à des restaurations. La collection comprend plus de 200 voitures à ses plus belles heures.

Mais la société R. Baillon fait faillite en 1978, puis est reprise par les Transports Onatra. Pour éponger les dettes, les biens sont saisis. 60 véhicules de la collection sont vendus en juin 1979, puis 32 autres en octobre 1985. Ces véhicules sont roulant et en bon état. Roger Baillon décède en 1996 mais c’est la mort de son fils Jacques en Octobre 2013 qui lancera la succession de cet important patrimoine de la culture automobile.

Les héritiers firent appel à la maison Artcurial, qui vendit cette collection aux enchères lors de l’édition 2015 de Rétromobile, le 6 février 2015 à Paris. Cette fois, les véhicules étaient dans une état bien plus dégradé, mais curieusement, les prix s’envolèrent et dépassèrent même souvent la cote du véhicule restauré. Par exemple, une Facel Vega Excellence estimée 80.000 € fit 143.000 € et la fameuse Ferrari 250 SWB California atteignit 16.228.200 € au lieu des 12.000.000 € espérés. La vente complète atteignit 25.151.580 € sous le marteau de Maître Poulain.

Voir sur YouTube : “60 Automobiles de la Collection Baillon” par Artcurial

La collection Gérard Gombert :

Alfa Romeo Montreal – Collection Gérard Combert

Déjà en 1956, âgé seulement de 17 ans, Gérard Gombert dit «La Gombe», participait à la course de côte de Fayence. Il créa ensuite un garage d’abord à Juan les pins puis à Antibes de 1966 à 1970, se spécialisant rapidement dans les voitures en polyester comme les Alpine ou les Lotus. Il s’attira vite l’amitié des stars du show-biz de l’époque alors qu’elles descendaient passer l’été sur la côte d’Azur en leur fournissant des voitures de sport. Il fréquentera ainsi Johnny Hallyday, Christophe, Nicoletta, Dick Rivers etc… Les plus belles voitures du moment passeront ainsi par le Garage Gombert : AC Cobra, Porsche 904, Alpine A110, Lotus Elan, Lamborghini Miura, Ford Mustang etc…

Vers 1970 Gérand Gombert s’installe à l’intérieur des terres dans le Haut Var à Fayence, faisant l’acquisition d’un terrain assez vaste pour construire plusieurs garages afin d’assurer l’entretien des véhicules de ses nombreux clients : il nomma ce domaine l’Hacienda. Il y ramenait aussi des voitures accidentées et des pièces détachées récupérées de ses anciens garages de la côte. Au début des années 80 son domaine commence déjà à sérieusement ressembler à une casse de véhicules sportifs, sans compter les dizaines de motos, les moteurs, les châssis… Toutes ces automobiles qui auraient été détruites dans d’autres lieux, furent conservées alignées à l’extérieur, quelques unes stockées à l’abri, comme l’Alpine A210 des 24 H du Mans 1968, son A108, une AC Bristol avec une  carrosserie de Cobra et la Lamborghini Miura de Christophe !

À la mort de son père vers la fin des années 90, Gérard Combert cessa toute activité et arrêta d’entretenir les lieux. Malheureusement touché par le syndrome de Diogène, l’intervention de la Puissance Publique aboutit à son hospitalisation en psychiatrie et son décès quelques jours plus tard le 8 avril 2016.

Il y avait 291 lots et presque 1000 personnes dans la salle pour la vente aux enchère organisée le 10 novembre 2016 par Osenat Fontainebleau… La vente fut exceptionnelle puisqu’elle atteignit 1.9 million d’euros. Les Alpines notamment partirent à des prix insensés. L’Alpine A210 ayant courue au Mans se vendit 710.000 € alors qu’elle avait été mise à prix à 80.000 €. Quant à la Lamborghini Miura 400S de Christophe, il n’y avait en réalité que la partie arrière du véhicule. La mise à prix était de 20.000 €, prix déjà fou, mais c’est finalement 120.000 € qui furent proposés avant que le marteau ne s’abaisse !

Voir sur YouTube : “Gérard Gombert” par Passion Auto du Var.

La collection Jean-Pierre Dumelie :

Dodge – Collection Jean-Pierre Dumelie

Jean-Pierre Dumelie était propriétaire d’une casse automobile qui a compté jusqu’à 1500 véhicules. Pendant des années, il a mis de côté des voitures en espérant pouvoir les restaurer. En 2006 il prend sa retraite. Dix ans plus tard, il décide de tourner la page sur 50 années de travail en se séparant de ses modèles lors d’une vente aux enchères.

Pus de 200 véhicules furent mis en vente surtout à des passionnés qui recherchent des pièces détachées, le 23 avril 2016 à Brazey-en-Plaine.

Voir sur Dailymotion  : “La Casse de l’Oncle Jean-Pierre” par tv net media

La Collection Michel Martin :

Delahaye – Collection Michel Martin

En 2013, Michel Martin est mis en demeure de nettoyer les 3 hectares du chantier  de sa casse auto sur laquelle il avait accumulé depuis 1955 des voitures d’avant et d’après guerre. Le but est de mettre un terme à la pollution des sols. Cette vente qui eut lieu à Polisot en 2016 comptait des centaines de voitures, camions et tracteurs, qui attirèrent les collectionneurs et les photographes de toute l’Europe.

François

Amplis Hifi Vintage : Tubes ou Transistors?

Si vous aimez écouter la musique dans de bonnes conditions, c’est à dire à l’ancienne, sur une chaîne Hifi équipée d’un ampli honorable faisant donc un certain poids, vous vous êtes sûrement déjà posé la question : tubes ou transistors? Personnellement, celui que j’utilise actuellement est un ampli à transistors qui a plus de 25 années au compteur, ce qui est le minimum pour qu’il soit qualifié de vintage. C’est un Denon POA 2800 équipé de nombreuses caractéristiques audiophiles parmi lesquelles une alimentation surdimensionnée doublée d’un radiateur conséquent lui faisant avoisiner les 20 kilos.  Sur ces quinze dernières années, j’ai aussi écouté mes disques préférés sur un autre ampli à transistors : le Technics SE-A 2000, et sur deux amplis intégrés à lampes : un V.A.L. Audio VR110 et un TAC 834. J’ai gardé chaque ampli suffisamment longtemps pour me faire une idée quant à ses avantages et ses inconvénients respectifs et je vais dans cet article partager cette expérience avec vous.

Entre 1984 et 2000, j’ai écouté de nombreuses installations haut de gamme dans des magasins spécialisés toulousains, et j’ai constaté (très subjectivement) que les amplis qui donnaient le son le plus agréable à mes oreilles n’étaient pas forcément les plus chers, bien qu’ils aient tous deux points communs : ils étaient lourds et ils chauffaient. Les spécimens en question étaient soit des amplis à tubes, soit des amplis à transistors fonctionnant en classe A. Le tube chauffe pour des raisons intrinsèques, notamment à cause du filament dont la dissipation thermique s’effectue par rayonnement mais aussi et surtout dans les tubes de puissance, à cause du nécessaire refroidissement de l’anode qui est très sollicitée à fort débit. Le transistor polarisé en classe A chauffe pour d’autres raisons : il est toujours en conduction. Ainsi, il amplifie tout le signal d’entrée, limitant ainsi les distorsions sur le signal de sortie mais chauffant énormément puisque toujours au maximum de sa puissance dégageant une chaleur qui doit être dissipée par un radiateur adéquat. On signalera au passage que le tube à les mêmes possibilités d’utilisation de classes d’amplification que le transistor, mais qu’il est le plus souvent utilisé en classe AB ou B, classes les plus rentables et les moins énergivores.

Au milieu des années 80, je n’avais pas les moyens de m’offrir de tels appareils, j’ai donc choisi de monter un ampli classe A en achetant les composants et je me suis adressé pour cela à la célèbre “Maison de l’Audiophile” qui m’a procuré un kit inspiré du plan de Jean Hiraga paru dans l’audiophile n°10. Jean-Pierre Voiturier, un ami audiophile de l’époque, m’a proposé de réaliser une version vitaminée grâce à une alimentation modifiée et un étage final différent fait d’un darlington inversé composé de 2N3773 et 2N6609 appairés d’usine. La préamplification était confiée à des tubes, plus exactement des ECC83 selon un schéma de Jean Hiraga publié dans l’Audiophile n°21. Connecté à un kit d’enceintes Focal 300 DB, la fermeté des basses était superbe, la chaleur de la retranscription musicale dans les médiums était telle que j’avais l’impression d’écouter du très haut de gamme à tubes. Quant aux aigus, ils étaient magnifiés par les tweeters Focal T120FC. Je me suis malheureusement séparé de ce merveilleux système d’écoute (qui m’avait coûté moins de 5000 Francs) à la fin des années 80.

L’ampli Hiraga Classe A :

Hiraga Classe A

Les goûts et les sons :

En écoute audiophile, certains trouvent que les amplis à tubes électroniques permettent d’obtenir une qualité de son supérieure aux systèmes à transistors bipolaires. D’autres affirment par contre qu’ils ne sont qu’une fantaisie néo-rétro et qu’ils n’apportent rien de plus que les transistors sinon une meilleure contribution au réchauffement climatique. On objectera toutefois à ces critiques que tout guitariste (électrique) qui se respecte joue sur du matériel à lampes (en général 20 watts suffiront là où 100 watts seront nécessaires avec du transistor) et que la plupart des ingénieurs du son “réchauffent” la voix de leurs artistes avec ce même matos à papa. Il semblerait donc que l’efficacité de ce composant électronique suranné ne soit pas un mythe, d’autant plus qu’il génère de la distorsion harmonique paire agréable à nos oreilles sur la bande de fréquence très sensible des médiums, alors que cette dernière est martyrisée par les transistors lors des écrêtages, faisant foisonner ainsi la distorsion harmonique impaire, qui est des plus déplaisante.

Alors pourquoi opter pour du transistor plutôt que pour du tube ?

– Parce-que le haut de gamme à transistor est bien moins cher :  Je prends comme exemple mes amplis à transistors de marque : d’abord le Denon POA 2800 acquis pour 400 € au détour d’un Cash Converter alors que son prix d’origine était de 1400 € en 1995. Plus tôt, j’avais acquis un Technics SE-A 2000 pour 300 € sur ebay alors que son prix neuf était de 1500 € en 1995 et un duo Ampli/préampli Technics SU/SE9200 à 300 € alors que leur prix neuf en 1979 était de 6000 Francs.

Pour les amplis à tubes vintage, c’est différent puisque le prix des modèles de firmes réputées a toujours été rédhibitoire. En 1995, le ticket d’entrée pour acquérir un ampli à tubes de marque neuf s’élevait à 20.000/30.000 Francs pour du Jadis, de l’Audio Research ou du Luxman, et au double pour du Conrad Johnson ou du McIntosh. Leur tarif est toujours resté élevé en occasion (au moins 2000 € pour un intégré Jadis DA-30, 3000 € pour un duo ampli/préampli Audio Research LS8/CA-50 ou pour un duo Luxman CL32/MQ360).

Pour apprécier le son des tubes, il a donc fallu que je me rabatte sur des marques chinoises moins chères, mais dont la fiabilité était plus aléatoire. Mon premier ampli à lampe fut un V.A.L Audio VR110 acheté d’occasion 300 € à un ami qui l’avait payé 5500 Francs en 1997 chez Magma. Puis, un Vincent T.A.C. 834 commandé neuf en promotion chez une enseigne spécialisée allemande pour 990 € au lieu de 1990 €.

– Parce-que le transistor, c’est du “Plug and Play” sans aucun entretient : Un ampli à tube, c’est esthétique, mais ce n’est pas si simple à utiliser. Il a des précautions d’usages comme : ne jamais l’allumer avec une modulation en entrée sans l’avoir connecté à des enceintes acoustiques sous peine de destruction des transfos de sortie, le faire chauffer quelques minutes avant de l’utiliser, changer les tubes de puissance toutes les 3000 heures d’écoutes, ne pas oublier de règler le bias à la valeur constructeur après ce changement, bien choisir la paire d’enceintes qui va fonctionner avec lui sous peine de grosse déception. Les tubes sont fragiles et chers, gare au transport et gare au lumbago quand le poids de l’appareil dépasse les 30 kilos…

– Parce-que vous gagnerez parfois de l’argent à la revente : Si vos finances vous permettent d’acheter une modèle d’occasion transistorisé d’une marque réputé, vous pourrez même faire un bénéfice s’il y a revente ultérieurement car la Hifi de marque et de qualité prend souvent de la valeur avec les années. Prenez l’ampli Technics SE-A 2000. Négocié à 300 € il y a 15 ans, je l’ai revendu 700 € sur ebay il y a 7 ans. Il est maintenant introuvable à moins de 1000 € !

Par contre, en ce qui concerne les amplis à tubes haut de gamme, un bénéfice ne sera pas forcement au rendez-vous et pour en faire un, il faudra être patient. Pour le bas de gamme, soyez déjà heureux d’arriver à le revendre car ces amplis (la plupart construits en Chine entre 1995 et 2005) ne cotent pas lourd. Lorsque j’ai revendu le V.A.L. Audio cinq ans après son achat d’occasion, je n’ai fait aucun bénéfice sachant que son premier acquéreur me l’avait vendu au tiers de son prix d’achat. Quant à son grand frère le T.A.C 834 que j’ai acquis neuf à la moitié de son prix en 2007, j’ai fait une perte sèche de 990 € puisqu’il a rendu l’âme quelques jours après la fin de sa garantie…

– Parce-qu’un jour, le tube ne sera plus à la mode : Si par le passé, le progrès techniques était plutôt un bon argument de vente, maintenant c’est plutôt le contraire, du moins dans le domaine de la Hifi : Au milieu des années 60, lorsque les transistors remplacèrent les tubes, on évoqua leurs avantages en terme de coût, de rendement, de puissance, de courbe de réponse, de dynamique, de distorsion, de consommation, de poids, d’encombrement… Au début des années 80, lorsque le CD apparut on évoqua ses avantages par rapport au vinyl en terme de dynamique, de définition, de souffle, de diaphonie, d’encombrement, d’absence de craquement, de linéarité de défilement… Mais actuellement, tout s’est inversé, la distorsion revient à la mode, les craquements du disque aussi. Cependant les modes changent, et peut-être qu’un jour le tube redeviendra ringard au profit du transistor comme ce fut le cas dans les années 70 tout comme le vinyle pourrait à nouveau être mis de côté au profit du CD à l’image de ce qui se passa dans les années 90.

Denon POA 2800 :

Denon POA 2800

Cet ampli de puissance développant 200 watts est supposé fonctionner en Classe A, mais en fait, “l’Optical Class A” développée par Denon fait référence à un circuit de polarisation variable qui se modifie à mesure que l’intensité du signal augmente, maintenant ainsi l’ampli en classe A pour des demandes inférieures à une vingtaine de watts et cela sans aucune distorsion dans les aigus, ce qui est parfois le cas en classe AB à faible volume. L’alimentation comporte quatre condensateurs de filtrage totalisant 72.000 μF de capacité et un transfo torique surdimensionné fournissant aisément l’énergie nécessaire. Les refroidisseurs occupent toute la profondeur du boîtier. Le poids total est de 18 kg.

À l’écoute, branché sur un préampli Rotel et des enceintes de monitoring JBL, la scène sonore est très texturée, étonnante de dynamique, rivalisant avec des réalisation bien plus prestigieuses. Le médium est chaud, les basses puissantes, les aigus ciselés. Bref, je suis toujours très satisfait de cet appareil et il me faudrait payer bien plus cher pour monter en gamme.

Technics SE-A 2000 :

Technics SE-A2000

Ici, pour obtenir le même effet que Denon et ainsi garder le bénéfice auditif d’une classe A maintenue jusqu’à l’écrêtage, Technics a associé un amplificateur de tension à un amplificateur de courant dont les sorties respectives sont reliées via un pont de résistances, l’amplificateurs de tension pilotant l’amplificateur de courant. Ce n’est bien sûr pas une vraie classe A, mais en dessous de 10 watts de puissance, c’est quasiment similaire, la puissance maximale étant de 120 Watts. On a donc les bénéfice de la classe A et de la classe AB sans leurs inconvénients respectifs. L’alimentation est d’une qualité impressionnante : 2 transfos en double C imprégnés et blindés, 48.000 μF de capacités Hight End pour le filtrage, des radiateurs conséquents, pour un poids totalisant 21 kilos.

À l’écoute, branché sur un préampli Technics et des enceintes de monitoring JBL, Les basses sont excellentes mais moins maîtrisées que sur le Denon qui les reproduit avec une fermeté sans pareille. Les médiums manquent de chaleur et de définition et les aigus sont honnêtes sans être exceptionnels. J’ai revendu cet ampli car il m’a un peu déçu. J’attendais beaucoup plus des légendaires amplis de puissance Technics, j’ai cependant gardé un SE-9200 que je trouve de bien meilleure qualité malgré ses 40 ans d’âge.

V.A.L Audio VR110 :

VAL Audio VR110

Belle réalisation pour cet intégré à tubes, esthétiquement du moins. Grosse alimentation, deux transfos de sortie, 4 tubes de préamplification 6N3, 4 pentodes EL34 en amplification. Puissance 40 Watts, poids 21 kg.

À L’écoute sur des JMLab Opal 49 TI, le grave manque un peu de consistance mais est excellent pour du tube, le médium est chaud et très agréable, les aigus sont présents mais manquent de définition. L’ampli était mal tubé d’origine (Les tubes chinois qui l’équipaient émettaient des craquements au bout de moins d’un millier d’heures d’écoute!). Je les ai avantageusement remplacés par des Svletana appairés, puis j’ai réglé le bias, ce qui a transfiguré le son, surtout dans les aigus. Par contre l’allumage manquait cruellement d’un préchauffage des filaments antérieur de 30 secondes à l’application de la haute tension, ce qui à la longue détériore les tubes. Il manquait aussi un préampli phono car lorsqu’on achète un ampli à tubes, c’est surtout pour profiter de ses vinyles. Je l’ai revendu, mais j’admet que c’était un ampli attachant d’une puissance largement suffisante sur des enceintes à haut rendement.

VAL Audio VR110 Vue Arrière

Vincent T.A.C. 834 :

Vincent TAC 834

Superbe réalisation tout en chrome et alu brossé noir pesant 25 kilos. Cet intégré à tubes fait appel à deux triodes 12AX7 et 12AU7 pour la préamplification et à 8 pentodes EL34 montées en double push-pull pour l’étage final. On évoque 100 Watts de puissance, ce qui est énorme pour du tube, mais en fait, il faut plutôt tabler sur 90 Watts maximum, mais ce n’est qu’anecdotique tant la puissance est déjà élevée. Pas de préampli phono mais c’est normal puisqu’en 2000, les platines disques n’avaient plus la cote…

À l’écoute sur des JBL de monitoring, le grave est étonnant de présence mais bien maîtrisé sur les boomers de 12 pouces, les médiums sont chauds et enthousiasmants sans être envahissants, les aigus sont ciselés, bien meilleurs que sur le V.A.L. Audio. J’ai vraiment adoré cet ampli qui est unique par son esthétique et sa qualité de son et je l’aurais toujours s’il ne m’avait pas traîtreusement lâché dans un fracas assourdissant et un nuage de fumée âcre.

Cela avait mal commencé entre nous deux puisque une double-triode 12AX7 s’était auto-détruite dès le premier allumage, le jour même où je l’ai reçu. Je n’avais pas fait jouer la garantie car il me fallait renvoyer l’appareil à mes frais en Allemagne. La somme était astronomique tant l’ampli était lourd et je ne parle pas un mot d’allemand. J’ai donc changé le tube défectueux contre un clone de meilleure qualité. L’appareil a démarré sans broncher. Un an plus tard, le condensateur de déparasitage soudé aux bornes de l’interrupteur marche/arrêt a prit feu. Plus de peur que de mal : de la fumée et un claquement violent. Je l’ai remplacé illico par le même disponible dans ma banque personnelle de composants électroniques.

Mais, un an plus tard, mon T.A.C. 834 a définitivement rendu l’âme : détonation à l’allumage avec option fumigène. Bilan de l’opération : circuit imprimé partiellement carbonisé sur la voie droite. L’appareil n’étant plus sous garantie, j’ai recherché la panne. Verdict : le transfo d’alimentation (qui soit dit en passant n’avait même pas été imprégné sous vide) était en court circuit, (je m’en doutais un peu car j’entendais déjà depuis un certain temps une sorte de coup de bélier à chaque allumage de l’appareil) et quelques composants du circuit imprimé la voie droite étaient HS. L’appareil a vaqué pendant quelques années sur une étagère du garage pour finalement être démonté. J’ai donné les 12 tubes à un ami audiophile et flanqué le reste à la décharge, sniff…

Je pense que les concepteurs auraient dû équiper cet ampli d’un préchauffage des filaments antérieur de 30 secondes à l’application de la haute tension lors de l’allumage, et si possible, d’un réglage de bias commutable avec manomètre intégré sur la façade afin de pouvoir contrôler la dérive de polarisation des tubes de puissance, surtout dans cette configuration où on a affaire à un double push-pull de pentodes. Cayin le fait sur ses amplis et c’est une excellente idée. Alors, pour une cinquantaine d’euros de plus Vincent aurait pu l’imiter, ce n’est pas du luxe, même sur du bas de gamme…

Conclusion :

Il vous faudra beaucoup d’oreille pour faire la différence entre le son d’un bon ampli à transistor fonctionnant en classe A et celui d’un ampli à tubes, surtout à faible puissance et sur des enceintes à haut rendement. Personnellement, je pense que la part de subjectivité dans l’écoute du son est telle que l’irrationnel prend obligatoirement le dessus. Le tube rougeoie dans l’obscurité, on a presque l’impression qu’il prend vie comme les braises le font dans l’âtre et cela influence notre perception auditive. Certes, en déco, la lampe est bien plus sympa que le transistor qui est peu démonstratif, bien caché derrière son radiateur. Mais, vu la différence de prix, le jeu en vaut-il la chandelle? Franchement, si ce n’est qu’une question pragmatique de porte-monnaie et de subjectivité auditive, entre 300 € et 2000 € le choix est vite fait.

Cependant, si malgré le gros écart de prix vous optez pour un ampli à tubes, achetez une marque réputée, de préférence américaine, japonaise ou européenne ou à la rigueur une marque chinoise reconnue comme Cayin.

Bien que la mode du vintage fasse monter régulièrement leur prix, vous pouvez encore faire de bonnes affaires sur les amplis transistorisés de plus de 25 ans, mais ce sera difficilement le cas pour des amplis à tubes de qualité des années 80 à 90 qu’il faudra payer un minimum de 2000 € pour éviter de se faire… entuber.

François

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