Claude Moine (3-7-42), célèbre chanteur, parolier et acteur français disait à ses débuts que : «Pour faire du rock and roll il faut faire américain». C’est pourquoi il prit Eddy comme prénom de scène, en référence à Eddie Constantine et il transforma son nom en Mitchell, «parce que ça sonne américain». Il est aussi surnommé «Schmoll» par ses proches, car étant de grande taille par rapport à ses amis, il avait coutume de les appeler familièrement «Small». Prononcée avec l’accent français, cette expression donnera naissance au célèbre surnom.
Les Chaussettes Noires (1961-64) :
Après les débuts prometteurs de son ami Johnny Hallyday, Eddy Mitchell décide de tenter sa chance auprès des maisons de disques. En feuilletant l’annuaire, il tombe sur le premier nom, Barclay et ce sera le bon. En novembre 1960, Les Five Rocks ont rendez-vous aux studios Hoche, où ils sont auditionnés par Jean Fernandez et Henri Marchal et Eddie Barclay. Un contrat de trois ans est signé (par les parents car tous sont mineurs) et le 20 décembre, le groupe est en studio d’enregistrement. À leur insu, le groupe Les Five Rocks est débaptisé et renommé Les Chaussettes noires par Eddie Barclay qui a conclu un accord promotionnel avec les chaussettes Stemm. C’est le début du succès, pour le groupe, qui n’est rien de moins que le premier groupe de rock en France.
La carrière solo :
Avec la publication de ses deux premiers albums en solo, Eddy Mitchell démontre qu’il a musicalement évolué vers d’autres courants musicaux en élargissant son répertoire et son registre vocal et qu’il n’en demeure pas moins rockeur. Si besoin était, en guise de confirmation, le second album porte le sous titre : « Eddy chante 12 R’n’R’ Classics ». Rockeur certes côté musique, car pour ce qui est du look et de l’attitude, là aussi les changements sont visibles. Il aborde — pochettes de disques à l’appui — des costumes sombres, chemises et cravates. Le jeu de scène se modifie aussi. Rien n’est négligé pour conquérir, aussi, un public adulte : «Je pense toucher un public qui aime la variété en général. Quand je suis passé avec Johnny, les gens m’écoutaient dans un silence religieux alors que pour Johnny, ils réagissent différemment. Ce que fait Johnny, je le faisais, (…), car je le ressentais. Mais je ne ressens plus le besoin de me mettre à genoux sur scène, et si j’essayais, ça ne passerait pas.»
Il confirme avec la publication de deux nouveaux albums Panorama et Toute la ville en parle… Eddy est formidable. Le premier met Chuck Berry à l’honneur avec cinq adaptations et le second s’achève avec ce qui s’affirmera comme l’un de ses plus grands succès Toujours un coin qui me rappelle. En cette année 1964, pour la seconde fois, il est classé par les lecteurs de Salut les copains en 4e position derrière Hallyday, Claude François et Richard Anthony. Côté scène, il est parfois accompagné par d’anciens membres des Chaussettes Noires, ou des Fantômes, ou encore des Cyclones avec à la guitare, durant quelques mois, un certain Jacques Dutronc.
En 1965, il évolue vers le rhythm and blues et sort l’album Du rock ‘n’ roll au rhythm ‘n’ blues. Découvrant Otis Redding et James Brown, il fera quelques incursions dans la musique soul. Sa carrière connaît alors des hauts et des bas, (qui perdureront jusqu’au milieu de la décennie suivante), malgré d’incontestables succès que sont J’ai oublié de l’oublier, Alice (une ballade), ou encore S’il n’en reste qu’un ou Société anonyme (des Rocks), parmi d’autres…
En 1970, le succès est un peu moins probant, le chanteur se cherche et se perd dans différents styles musicaux, livrant alors une succession d’albums qui connaissent un succès confidentiel : Rock ‘n’ Roll (1971) aux influences très marquées par Creedence Clearwater Revival. Zig-zag (1972) confirme l’errance musicale du chanteur ; le disque oscille entre hard rock (Le vaudou), Bossa nova (Stop), rhythm and blues (Cash), pop (La nuit des maudits), Tamla Sound (Le jeu) et la variété (C’est facile), le tout ficelé avec Magma et le groupe Zoo. Cette même année (1972), il enregistre un second album Dieu bénisse le rock’n’roll (1972), bien mal nommé, car de rock ‘n’ roll il est ici peu question, (tout au plus une chanson qui donne son titre à l’album). L’histoire se répète avec l’album Ketchup électrique (1973), (contenant Superstition, une reprise de Stevie Wonder). Pas ou peu de titres marquants en ces années. Lucide sur cette période, il évoque ses «hauts et ses ba » dans la chanson Cash, issue de l’album Zig-zag : “Ma carrière est en dents de scie, des succès, parfois l’oubli, mais je n’ai rien à me reprocher, car j’ai toujours chanté avec sincérité”.
Le succès revient avec les opus Rocking in Nashville (1974), Made in USA (1975) et surtout Sur la route de Memphis (1976) et La Dernière Séance (1977), qui comprennent nombre d’adaptations de pionniers du rock : ” A crédit ou en stéréo”, “C’est un rocker”, “C’est la vie mon chéri”, “Une terre promise”, “C’est un piège”, etc… Avec cette série de disques, le chanteur trouve un second souffle et revient durablement au premier plan, grâce à de nombreux tubes sortis en 45 tours dont “Sur la route de Memphis” et “La dernière séance” qui lui valent plusieurs disques d’or. Fort de ce succès qui ne se démentira plus, il persévère et développe un style country rock qui lui vaut de francs succès, comme avec les chansons “Il ne rentre pas ce soir” ou “Tu peux préparer le café noir”.
La Dernière séance (1977) : La pochette représente Eddy Mitchell dans une salle de cinéma, surpris par la lampe de poche d’une ouvreuse alors que sur l’écran est projetée une image d’Elvis Presley. Il s’agit d’une photo de Roger Marshutz représentant Elvis Presley en concert en extérieur à Tupelo (Mississippi), le 26 septembre 1956. L’arrière de la pochette comprend la liste des titres et une petite image d’Eddy Mitchell sortant d’un cinéma (« Le Majestic »). La pochette intérieure donne sur deux pages un détail des musiciens présents sur l’album et des conditions d’enregistrement, le tout entouré d’images issues de films des années 50 (Graine de violence, La Nuit du chasseur, Bronco Apache, Vera Cruz) ou de portraits d’acteurs (Vincent Price, Robert Mitchum, Humphrey Bogart, Rita Hayworth, Randolph Scott, Errol Flynn, Burt Lancaster, Gary Cooper, Richard Widmark, John Wayne, Glenn Ford, etc.).
Au début des années 80, Eddy Mitchell s’oriente de plus en plus vers le style crooner, livrant ainsi quelques-unes de ses plus grandes chansons : “Couleur menthe à l’eau” en 1980, “Pauvre baby doll” en 1981, “Le Cimetière des éléphants” en 1982 et “La Peau d’une autre” en 1987. Il n’abandonne pas pour autant totalement le Rock ‘n’ roll, et y revient plus épisodiquement, avec réussite, en témoignent les succès de “Nashville ou Belleville” en 1984 ou encore “Lèche-bottes Blues” en 1989.
Discographie :
1963 : Voici Eddy… c’était le soldat Mitchell
1963 : Eddy in London
1964 : Panorama
1964 : Toute la ville en parle… Eddy est formidable
1965 : Du rock ‘n’ roll au rhythm ‘n’ blues
1966 : Perspective 66
1966 : Seul
1967 : De Londres à Memphis
1968 : Sept colts pour Schmoll
1969 : Mitchellville
1971 : Rock ‘n’ Roll
1972 : Zig-zag
1972 : Dieu bénisse le rock’n’roll
1974 : Ketchup électrique
1974 : Rocking in Nashville
1975 : Made in USA
1976 : Sur la route de Memphis
1977 : La Dernière Séance
1978 : Après minuit
1979 : C’est bien fait
1980 : Happy Birthday
1982 : Le Cimetière des éléphants
1984 : Fan Album
1984 : Racines
1986 : Eddy Paris Mitchell
1987 : Mitchell
1989 : Ici Londres
1993 : Rio Grande
1996 : Mr Eddy
1999 : Les Nouvelles Aventures d’Eddy Mitchell
2003 : Frenchy
2006 : Jambalaya
2009 : Grand écran
2010 : Come Back
2013 : Héros
2015 : Big Band
2017 : La Même Tribu, volume 1
2018 : La Même Tribu, volume 2
Eddy Mitchell et le cinéma :
De 1982 à 1998, Eddy Mitchell présente l’émission La Dernière Séance, diffusée mensuellement sur FR3, puis France 3, programmant essentiellement des films hollywoodiens des années 1950, tous genres confondus. Chaque soirée comprend un film doublé en français, des actualités cinématographiques d’époque, des dessins animés puis un film en version originale sous-titrée. C’est peut-être un retour aux sources puisque dans son enfance, Eddy se passionnait déjà pour le cinéma américain alors que son père l’y emmenait souvent après l’école, notamment pour voir des westerns, qu’il aimait «sous toutes ses formes». Il s’intéressait aussi à la bande dessinée, notamment celle de Jijé et son personnage Jerry Spring.
La carrière d’acteur d’Eddy Mitchell connaît deux périodes, avant et après 1980. Jusqu’à “Je vais craquer” il ne fait que de brèves apparitions, souvent dans son propre rôle, ou incarnant un personnage ressemblant au chanteur qu’il est dans la vie. Il trouve sa place dans le cinéma français en tant qu’acteur de composition à partir du téléfilm Gaston Lapouge et surtout Coup de torchon, où il incarne Nono, un simple d’esprit. Une interprétation qui lui vaut d’être nommé dans la catégorie meilleur acteur dans un second rôle, lors de la 7e cérémonie des César. En 1995, il obtient le César du meilleur acteur dans un second rôle pour son personnage de Gérard Thulliez (un vendeur de voiture bon vivant) dans Le Bonheur est dans le pré. Il joue régulièrement jusqu’en 2003, parfois dans plusieurs films par an. Après un ralentissement de rythme au milieu des années 2000, il enchaîne de nouveau les rôles, dont celui de Frédéric Selman dans Salaud, on t’aime (2014) de Claude Lelouch aux côtés de Johnny Hallyday, Sandrine Bonnaire, Irène Jacob, Valérie Kaprisky ou encore Rufus.
Voir sur YouTube : “Eddy Mitchell – La dernière séance (1977)” par Les archives de la RTS ; Eddy Mitchell “Couleur menthe à l’eau” | Archive INA ; Eddy Mitchell “Je vais craquer bientôt” (live officiel) | Archive INA ; Eddy Mitchell – Alain Souchon – Laurent Voulzy : “L’esprit grande prairie” par Roland mathieu