Disques (Coffrets) – Léo Ferré 1960-1967 (1980) & Léo Ferré 1968-1974 (1980)

Léo Ferré (1916-1993) est un auteur-compositeur-interprète, pianiste et poète franco-monégasque. Ayant réalisé plus d’une quarantaine d’albums originaux couvrant une période d’activité de 46 ans, Léo Ferré est à ce jour le plus prolifique auteur-compositeur-interprète de la chanson française. D’une culture musicale classique, il dirige à plusieurs reprises des orchestres symphoniques, en public ou à l’occasion d’enregistrements discographiques. Léo Ferré se revendiquait anarchiste ; ce courant de pensée inspire grandement son œuvre.

Léo Ferré est né à Monaco en 1916 où il grandit très entouré dans une famille bourgeoise. Mais cette enfance harmonieuse est brisée lorsque son père l’envoie en pensionnat au collège Saint-Charles de Bordighera tenu par les Frères des Écoles chrétiennes, en Italie. En 1935, il va à Paris pour y faire des études de droit et Sciences Po (section administrative). Peu intéressé par les évènements politiques et leurs enjeux, il peaufine son apprentissage du piano en complet autodidacte en même temps qu’il mûrit son rapport à l’écriture. Il obtient son diplôme juste avant que la guerre l’amène sous les drapeaux. Il est affecté dans l’infanterie et, en mai 1940, devient aspirant à la tête de tirailleurs algériens. Sa vocation de compositeur s’affirme après sa démobilisation en août 1940.

Les débuts :

A Monaco, il rencontre Piaf qui lui conseille de tenter sa chance à Paris. En 1946, il joue au “Boeuf sur le toit” et signe son premier contrat. Commence alors l’époque de Saint-Germain avec Greco, Vian, Sartre, Queneau…, il joue au “Quod Libet”, aux “Trois Maillets”… En 1950, il enregistre son premier disque La Vie d’artiste. Mais c’est la chanson “Paris canaille”, qui sera son premier tube. En 1953, Il signe chez Odéon, et s’attaque à l’adaptation des poèmes d’Apollinaire, vaste poème de Guillaume Apollinaire, dont le recueil Alcools exerce une influence majeure sur sa propre écriture poétique. C’est enfin le triomphe avec “La Chanson du mal aimé” et “Poète… vos papiers”.

En 1958, il poursuit ses adaptations de poésie avec Baudelaire et Aragon. Il signe aux éditions Barclay.

Les années Barclay (1960-1968) :

En 1960 Léo Ferré rejoint le label florissant d’Eddie Barclay. À l’instar d’un Georges Brassens ou d’un Jacques Brel, Léo Ferré est à présent considéré comme «un grand de la chanson française» et du music-hall, où il maîtrise ses effets. Mettant entre parenthèses les expériences musicales de la précédente décennie, il emploie son énergie et sa verve prolixe à la chanson. Jean-Michel Defaye son orchestrateur, crée le «son Ferré» caractéristique de cette première époque Barclay et donne durant dix ans une cohésion musicale aux créations du poète.

Paname (1960) : (La première publication de Ferré chez Barclay n’est pas son album sur les poésies d’Aragon, prêt depuis 1959, mais un album de chansons se voulant accrocheuses et populaires, selon le souhait d’Eddie Barclay. Intitulé Paname, ce 33 tours 25 cm vaut à l’artiste de remporter de nouveaux succès avec les chansons “Paname” et “Jolie môme” (parallèlement interprétée par Juliette Gréco). Ferré y prolonge sa collaboration avec son ami Jean-Roger Caussimon (Comme à Ostende) et met aussi en musique l’éditeur et écrivain Pierre Seghers (Merde à Vauban), entre autres. L’album paraît à la fin de l’année 1960.

Les Chansons d’Aragon (1961) : Ferré enregistre dans la foulée Les Chansons d’Aragon, en janvier 1961. Ce disque fait date et va s’imposer assez rapidement comme une référence incontournable dans le monde de la chanson. Pour son nouvel album 25 cm sur ses propres textes, Léo Ferré se montre très offensif : “Mon général, Regardez-les” (texte de Francis Claude), “La gueuse”, “Pacific Blues”, “Les rupins”, “Miss Guéguerre”, “Thank you Satan”, “Les 400 coups”. Le disque est gravé et pressé, mais ne sortira jamais sous cette forme. Plusieurs chansons sont interdites d’antenne ; à cette censure officielle s’ajoute la censure interne de sa maison de disques. Plusieurs chansons sont récupérées en Super 45 tours. Tour à tour, Léo Ferré se fait sarcastique, mordant, moqueur, (“Les rupins”, “Les Parisiens”), antimilitariste (“Miss guéguerre”), ironique et sexiste (“Les femmes”), tendre (“Nous deux”, “Les chéris”, “L’amour”), romantique (“Vingt ans”), anarchiste vitupérant son époque (“Les temps difficiles”, “Les 400 coups”).

“Thank you Satan” est une chanson libertaire emblématique de Léo Ferré, publiée en 1961 sur le super 45 tours Les Chansons interdites de Léo Ferré. Elle est interprétée sur scène par Ferré dans son récital à l’Alhambra de Paris, capté et publié la même année sur disque. Sa chute, telle une prémonition, clôt, (provisoirement), cet épisode de censure : «… et que l’on ne me fasse point taire et que je chante pour ton bien, dans ce monde où les muselières ne sont pas faites pour les chiens».

De 1963 à 1968, Léo Ferré vit dans le Lot, où il a acheté une demeure du XVIe siècle, le château de Pechrigal. En sus de sa production de chansons, il y écrit, sans chercher à faire publier quoi que ce soit, des textes de réflexions et de longs poèmes élaborés. Il s’adonne en outre à sa passion de l’imprimerie, en s’y faisant installer du matériel professionnel. Ainsi, il apprend à typographier, à brocher et édite dans le commerce le journal de son épouse, un livre de deux cents pages qui décrit leur quotidien difficile.

En 1967, Barclay censure la chanson “À une chanteuse morte” dédiée à Édith Piaf (tirée de l’album : Cette chanson). Ferré lui intente un procès, qu’il perd. Après l’avoir raillée, et alors qu’il vilipende l’immobilisme et la soumission du peuple dans une France repue et bien-pensante, c’est dans la jeunesse que Léo Ferré place ses derniers espoirs de changement avec “Salut, beatnik!” La même année, à l’occasion du centenaire de la mort de Baudelaire, Ferré consacre un double-album au poète.

Les années Barclay (1968-1974) :

À partir de l’été 68, Léo Ferré se plonge dans la mise en musique de poèmes extraits de son recueil “Poète… vos papiers!”. Ces nouvelles chansons, enregistrées sur les albums L’Été 68 et Amour Anarchie, seront perçues par la critique comme un renouvellement de son inspiration alors que ces textes ont été pour la plupart écrits au début des années 1950.

“C’est Extra” (1969) : Parue sur le 33 tours L’Été 68 et sur 45 tours en 1969. Il s’agit d’un de ses plus gros succès commerciaux. Le succès de cette chanson élargit considérablement son audience, tout particulièrement auprès de la jeunesse. Léo Ferré aurait eu l’idée de “C’est extra” en voiture, entre deux concerts, en écoutant “Nights in White Satin” des Moody Blues sur son autoradio. Il y fait d’ailleurs directement référence dans le corps du texte, respectivement dans la première et dans la dernière strophe. La chanson est composée de quatre strophes de huit octosyllabes, que sépare à chaque fois un «c’est extra !» quatre fois répété en crescendo. Cette expression de langage parlé a été «offerte» à Ferré par sa petite-nièce, qui la sortait à tout bout de champ. Texte et musique sont de Léo Ferré, les arrangements de Jean-Michel Defaye.

La réceptivité de ce nouvel auditoire, qui reconnaît dans le poète le «prophète» de sa propre révolte, amène Ferré à éclater dans certaines de ses chansons les structures traditionnelles au profit de longs monologues discursifs s’apparentant aux arts oratoires. Par un travail très précis sur la voix parlée (rythme, élocution) et une écriture rhétorique inspirée de la prose de Rimbaud, Ferré ritualise sa parole sur un mode incantatoire et dramatique, qui vise à emporter son auditoire (“Le Chien”, “La Violence et l’Ennui”, “Le Conditionnel de variétés”, “La Solitude”, “Préface”, “Il n’y a plus rien”). Cette recherche ne sera pas toujours bien comprise et Ferré va dorénavant partager le public et la critique comme jamais.

À cela s’ajoute son attirance pour le rock anglo-saxon, qu’il envisage comme un moyen de dépoussiérer les vieilles habitudes du paysage musical français. Ainsi en 1969, il enregistre à New York une version inédite du titre Le Chien avec des musiciens de jazz-rock (John McLaughlin et Billy Cobham, respectivement guitariste et batteur du Mahavishnu Orchestra, et Miroslav Vitouš, bassiste de Weather Report). Initialement ce devait être avec Jimi Hendrix. Pour d’obscures raisons, Ferré n’utilise pas cette version et réenregistre le titre avec un jeune groupe français que sa maison de disques veut mettre en avant : Zoo. La collaboration durera le temps de deux albums : Amour Anarchie (1970) et La Solitude (1971) et d’une tournée en 1971. Toujours en 1969, il rencontre Brel et Brassens lors d’un entretien pour RTL. Ferré s’établit en Italie, entre Florence et Sienne. 

“Avec Le Temps” (1970) : En 1970, sa maison de disques écarte «Avec le temps» du double LP Amour Anarchie. Sortie «à la sauvette» en 45 tours, cette chanson tragique inspirée de ses propres désillusions devient un classique instantané, le plus grand succès de Ferré, qui ne cesse d’être repris en France et à l’étranger. Cette chanson sur l’amour déçu, la fuite des sentiments et la tragique expérience du temps qui efface tout est inspirée de la propre expérience de vie de Léo Ferré. Il compose cette chanson en repensant à sa rupture avec sa deuxième femme, Madeleine, en 1968, après le drame familial suscité par la mort tragique de leur guenon domestique Pépée. Avec le temps s’impose immédiatement comme un «classique». Face à cet engouement Léo Ferré disait, non sans agacement : «Avec le temps, paroles et musique, je l’ai faite en deux heures.» La chanson s’est classé trois semaines dans les meilleures ventes à partir du 15 avril 1971. Elle arrive en 5ème position du Top 100 des meilleures chanson française.

La Solitude (1971) : Jean-Pierre Mocky lui permet de renouer avec ses rêves orchestraux en lui demandant de composer la musique de son film L’Albatros. Ferré écrit et orchestre quarante minutes de musique symphonique. La collaboration se passe mal ; Mocky n’en utilise que cinq minutes. Ferré reprend ce matériau pour créer, l’année suivante, les chansons «Ton style» et «Tu ne dis jamais rien», décidant du même coup de se passer désormais de tout arrangeur.

Après avoir été idolâtré par de nombreux jeunes, Ferré subit en 1971 une contestation virulente d’une minorité du public se disant gauchiste, qui vient régulièrement perturber les concerts. Ces « désordres » reprendront de plus belle en 1973 et en 1974, au point de lui faire un temps envisager d’arrêter la scène.

Le départ de son pianiste Paul Castanier, fidèle accompagnateur depuis 1957, ainsi que la rupture en 1974 avec la maison Barclay, à la suite d’une accumulation de différends vont contraindre juridiquement Léo Ferré au silence pendant plusieurs mois, il se consacre alors principalement à la composition et la direction d’orchestre.

Les années Toscane (1975-1993) : 

En 1976, recouvrant le droit de s’enregistrer, il signe chez CBS. À partir de cette date la majeure partie de ses enregistrements sera réalisée avec l’Orchestre symphonique de la RAI, placé sous sa direction. La major va très vite se débarrasser de Ferré, dont les retombées commerciales pourtant réelles sont jugées trop faibles en regard de l’investissement qu’il représente (son esthétique à contre-courant de toutes les modes rend malaisée sa programmation sur les ondes et complique désormais la possibilité d’un «tube»). Lâché par le «métier», définitivement dégoûté de n’être qu’une « marchandise pour les producteurs», Ferré se résout en 1979 à assurer lui-même la production de ses disques en louant à ses frais studio, musiciens et techniciens, ne signant plus que des contrats de distribution avec les maisons de disques, et cela jusqu’à la fin de sa carrière. En 1991, il enregistre son dernier disque “Une saison en enfer”. Léo Ferré meurt chez lui, à Castellina in Chianti le 14 juillet 1993, à l’âge de 76 ans.

Source

Discographie Barclay (1960-1974) :

1960 : Paname
1961 : Les Chansons d’Aragon
1962 : La Langue française
1964 : Ferré 64
1964 : Verlaine et Rimbaud
1966 : Léo Ferré 1916-19…
1967 : Cette chanson
1967 : Léo Ferré chante Baudelaire
1969 : L’Été 68
1969 : Les Douze Premières Chansons de Léo Ferré
1970 : Amour Anarchie
1971 : La Solitude
1972 : La Chanson du mal-aimé
1972 : La Solitudine
1973 : Il n’y a plus rien
1973 : Et… Basta !
1974 : L’Espoir

Les deux coffrets de disques vinyles sortis en 1980 chez Barclay : 

Coffret 1 : Léo Ferré 1960-1967 (Barclay)

•Vol. I : “Et… Basta !” 1973
•Vol. II : “Saint-Germain-des-prés” 1969
•Vol. III : “Paname” 1960
•Vol. IV : “Thank you Satan” (Léo Ferré chante en public au Théâtre de l’Alhambra, novembre 1961) 1961
•Vol. V : “T’es rock, coco” 1962
•Vol. VI : “Franco la muerte” 1964
•Vol. VII : “La Complainte de la télé” 1966
•Vol. VIII : “Salut Beatnik” 1967

Coffret 2 : : Léo Ferré 1968-1974 (Barclay)

•Vol. I : “L’été 68” 1969
•Vol. II : “Amour Anarchie : Poète vos papiers! 1970
•Vol. III : “Amour Anarchie Ferré 70 vol. 2 : La Folie 1970
•Vol. IV : “La Solitude” 1971
•Vol. V : “Il n’y a plus rien” 1973
•Vol. VI : “L’Espoir” 1974
•Vol. VII : Le septième volume est une compilation de titres parus entre 1960 et 1970, uniquement en 45 tours, super 45 tours ou dans des albums en public.

Voir sur YouTube : Avec le temps (enregistrement TRS)” par Universal Music France et “Ton Style” par jose neto

 

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